nerait à Daniel Doyce la part qui lui revenait dans l’association, comme étant l’unique réparation pécuniaire qu’il pût lui offrir en échange des inquiétudes et des pertes dont il avait été pour lui la cause involontaire, et il ne demanderait qu’à servir la maison en qualité de commis, à des appointements qui lui permissent seulement de gagner sa vie.
Bien que M. Rugg vît clairement qu’il serait inutile de s’opposer à ce projet, ses grimaces et l’inquiétude de ses tibias exigeaient avec tant d’instance une protestation pour se soulager qu’il céda à ce besoin.
« Je ne veux présenter aucune objection, monsieur, dit-il, aucun argument à l’encontre de votre projet. Je vous aiderai à l’exécuter, monsieur ; mais je proteste, néanmoins. »
M. Rugg énonça, dans une argumentation un peu prolixe, les principaux motifs de sa protestation. D’abord, la ville entière, pour ne pas dire le pays tout entier, était en proie aux premiers élans de l’indignation causée par la récente découverte, et la colère soulevée contre les victimes ne tarderait pas à éclater avec violence. Ceux qui n’avaient pas été trompés ne pardonneraient pas aux autres d’avoir été moins prudents, tandis que ceux qui s’étaient laissé tromper ne manqueraient pas de trouver par eux-mêmes des excuses et des raisons bien supérieures, selon eux, à celles que leurs compagnons d’infortune pouvaient alléguer ; sans compter que chaque victime individuelle s’empresserait de s’indigner, à l’idée que, sans les mauvais exemples de toutes les autres victimes, elle n’aurait jamais songé à risquer un sou elle-même. Et puis, une déclaration pareille, en un pareil moment, allait attirer sur Clennam un véritable ouragan de fureurs qui ne permettait pas de compter sur la clémence unanime des créanciers. Il s’exposait tout bonnement à servir de cible solitaire à un feu de file meurtrier, qui se trouverait heureux de le prendre pour point de mire.
Arthur répondit à cela que, tout en admettant la justesse de ces observations, il n’y voyait rien qui diminuât ou qui pût diminuer le moins du monde la nécessité de la réparation publique et volontaire qu’il voulait offrir à son associé. Il pria donc, une fois pour toutes, M. Rugg de l’aider à prendre immédiatement les mesures nécessaires dans ce but. Sur ce, l’homme de loi se mit à l’œuvre, et Arthur, ne conservant que ses effets, ses livres et le peu d’argent qu’il se trouvait avoir sur lui, mit son compte de banque personnel parmi les autres valeurs de la maison.
La déclaration fut publiée et souleva un orage formidable. Des milliers d’individus, depuis la faillite de Merdle, n’attendaient que cette occasion ; ils ouvraient des yeux effarés dans l’espoir de trouver un être vivant qu’ils pussent accabler de reproches. Aussi ce cas extraordinaire qui venait de lui-même rechercher la publicité, mit sur une sorte de pilori la victime vivante dont on avait tant besoin. Lorsque les gens même que cela ne regardait pas du tout se montraient si irrités contre le coupable, on ne devait pas s’atten-