Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/313

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elle posa la tête sur sa poitrine, mit une main sur sa tête, et, la joue appuyée sur cette main, elle le berça aussi tendrement et aussi innocemment (Dieu le sait !) qu’elle avait choyé son père dans cette même chambre, lorsqu’elle n’était qu’une enfant et qu’elle aurait eu tant de besoin elle-même des soins qu’elle prodiguait aux autres.

Lorsque Arthur put parler, il s’écria :

« Comment, c’est vous qui venez me voir ? Et avec cette robe ?

— J’espérais que vous aimeriez mieux me voir dans ce costume qu’avec la plus belle toilette. Je l’ai toujours gardé, afin de ne pas oublier… et cependant je n’avais pas besoin de cela. Je ne suis pas seule, comme vous voyez. J’ai amené une ancienne amie. »

Tournant la tête, Arthur aperçut Maggy, coiffée de l’énorme bonnet d’autrefois qu’on lui avait fait quitter depuis longtemps, armée de son panier des anciens jours, et poussant des gloussements de joie.

« Je ne suis arrivée que d’hier au soir avec Édouard. J’ai envoyé tout de suite chez Mme Plornish pour avoir de vos nouvelles et vous faire savoir que j’étais revenue. Ce n’est qu’alors que j’ai appris que vous étiez ici. N’auriez-vous pas, par hasard, pensé à moi la nuit dernière ? Je suis presque sûre que vous avez dû y songer un peu. J’en jure par moi, qui ai tant pensé à vous. Le temps m’a paru si long jusqu’au matin !

— J’ai pensé à vous… »

Il hésita, ne sachant quel nom lui donner. Elle devina immédiatement pourquoi il s’arrêtait.

« Vous ne m’avez pas encore appelée par mon vrai nom. Vous savez quel doit toujours être mon vrai nom pour vous.

— J’ai pensé à vous, petite Dorrit, tous les jours, toutes les heures, à tous les moments que j’ai passés ici.

— Bien vrai ? Bien vrai ? »

Il ne put se défendre d’un sentiment de honte en voyant la joie qui illuminait le visage de sa jeune amie. Lui, banqueroutier, découragé, malade, déshonoré, prisonnier.

« J’étais ici avant qu’on eût ouvert les portes, mais j’ai eu peur de me montrer à vous tout de suite. Je vous aurais fait plus de mal que de bien ; car la vieille prison m’était tout à la fois si familière et pourtant si triste, elle me rappelait tant de souvenirs de mon pauvre père et de vous aussi, que cela m’a beaucoup émue d’abord. Mais nous sommes allées chez M. Chivery avant de venir à la geôle : il nous a fait entrer et nous a donné la chambre de John… ma pauvre vieille chambre, vous savez… et nous y avons attendu un peu. C’est moi qui vous ai apporté les fleurs, mais vous ne m’avez pas entendue. »

Elle avait l’air plus femme que lorsqu’elle avait quitté l’Angleterre, et le chaud soleil d’Italie avait un peu bruni son visage. Mais, du reste, elle n’était pas changée. Il retrouvait surtout chez elle la même tendresse profonde et timide qu’il lui avait toujours vue, et toujours avec émotion. Si cette tendresse avait pris depuis