Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/344

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elle jusqu’à une certaine distance, elle songea à demander son chemin.

Ce ne fut que lorsqu’elle s’arrêta pour regarder autour d’elle et chercher un magasin où elle pût prendre des informations, qu’elle s’aperçut qu’elle était enfermée dans un cercle de visages avides.

« Pourquoi m’entourez-vous ? » demanda-t-elle en tremblant.

Aucun de ceux qui se trouvaient près d’elle ne répondit ; mais une voix aigre, partie des rangs extérieurs du cercle, répliqua :

« Parce que vous êtes folle !

— Je suis aussi sensée qu’aucun de vous. Je cherche la prison de la Maréchaussée. »

La voix aigre riposta encore :

« Eh bien, il n’en faut pas davantage pour prouver que vous êtes timbrée, car vous v’là justement en face de la prison ! »

Un jeune homme de petite taille, à l’air doux et tranquille, pénétra jusqu’à elle, au milieu des acclamations qui avaient accueilli cette réponse, et demanda à Mme  Clennam :

« Vous cherchez la prison de la Maréchaussée ? J’y suis de garde. Traversez la rue et suivez-moi. »

Elle posa la main sur le bras du jeune homme qui la conduisit de l’autre côté. La foule, mécontente du tort qu’on lui faisait en lui enlevant sitôt son jouet, se pressait devant, derrière et de chaque côté, conseillant au jeune homme de pousser une pointe jusqu’à Bedlam. Après avoir été bousculés un instant dans la cour extérieure, Mme  Clennam et son compagnon virent s’ouvrir la porte de la prison qui se referma sur eux. Dans la loge, dont le récent tapage de la rue faisait, par comparaison, un asile des plus paisibles, une lampe jaune luttait déjà contre les ombres de la prison.

« Ah çà ! John, demanda le guichetier qui les avait laissés entrer, qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien du tout, père ; cette dame ne savait pas son chemin et les gamins la tourmentaient. Qui demandez-vous, madame ?

Mlle  Dorrit est-elle encore ici ? »

Le jeune homme parut s’intéresser encore davantage à la vieille dame.

« Oui, elle est encore ici. Pourrait-on vous demander votre nom ?

Mme  Clennam.

— La mère de M. Arthur Clennam ? »

Les lèvres de la vieille dame se serrèrent et elle parut hésiter pour répondre :

« Oui. Il vaut mieux lui dire que c’est sa mère.

— C’est que, voyez-vous, continua John Chivery, comme la famille de notre directeur est à la campagne pour le moment, notre directeur a mis à la disposition de Mlle  Dorrit une des chambres de son appartement. Ne pensez-vous pas que vous feriez aussi bien d’y monter en attendant que j’aille vous chercher Mlle  Dorrit ? »

Mme  Clennam y ayant consenti, John prit un trousseau de clefs,