Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/99

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intervalle pour adresser une question à la bonne et recevoir la réponse, puis les deux visiteuses entrèrent et la porte se referma.

Après avoir regardé autour de lui afin de s’assurer qu’il ne rêvait pas, et s’être promené quelques minutes devant la maison, Arthur frappa à son tour, La porte lui fut ouverte par la même bonne qui prit le même empressement qu’autrefois à le conduire au salon de Flora.

Flora n’avait personne avec elle que la tante de M. Finching. Cette respectable dame, se prélassant dans une atmosphère embaumée de thé et de rôties au beurre, était installée au coin du feu dans un confortable fauteuil, avec une petite table à côté d’elle et un mouchoir blanc étendu sur ses genoux, où deux tartines de pain grillé, au beurre, attendaient le moment de la consommation. Penchée sur sa tasse de thé vaporeux, contemplant Clennam à travers le double nuage de son thé et de son haleine, elle avait l’air d’une de ces méchantes sorcières de la Chlue, occupées à célébrer quelques rites sacrilèges ; alors elle posa sa grande tasse sur la table et s’écria :

« Le diable soit de lui ! Le voilà revenu ! »

Cette exclamation donnerait à croire que l’implacable parente de feu M. Finching, mesurant le temps, non pas d’après la marche de l’horloge, mais d’après la vivacité de ses sensations, se figurait que Clennam ne faisait que de sortir, tandis qu’il y avait au moins trois mois qu’il n’avait eu la témérité de se présenter devant elle.

« Bonté divine Arthur ! s’écria Flora, se levant pour lui faire un accueil cordial ; Doyce et Clennam, quel miracle et quelle surprise ! car, bien que nous ne soyons pas si loin de la fonderie, il paraît que vous ne pouvez jamais passer par ici, même à l’heure du goûter, où un verre de xérès et un modeste sandwich ne viendraient pas mal à propos et ne seraient pas plus mauvais parce qu’on les prend chez des amis ; car vous savez bien que vous êtes obligé de les acheter quelque part, et il faut toujours que le marchand qui vous les vend y trouve son profit, autrement il est clair qu’il fermerait boutique s’il n’y avait aucun intérêt… Pourtant on ne vous voit jamais et j’ai appris à ne plus y compter, car, ainsi que le disait M. Finching, si voir c’est croire, ne pas voir c’est également croire, car lorsque vous ne voyez jamais les gens, vous pouvez bien croire qu’ils vous ont oublié… non que j’aie pu espérer, Arthur… Doyce et Clennam… que vous vous souviendriez de moi… pourquoi l’aurais-je espéré puisque ces jours-là sont passés… mais apportez une autre tasse tout de suite et demandez d’autres rôties… Arthur, asseyez-vous donc plus près du feu. »

Arthur avait hâte d’expliquer le but de sa visite : mais il en fut empêché pour le moment, malgré lui, par le reproche sentimental renfermé dans les discours de Flora et par le plaisir sincère qu’elle témoignait de le revoir.

« Et maintenant dites-moi quelque chose… tout ce que vous