et pénétrant à demi dans une chambre dont l’atmosphère est étouffante, il dit :
— Êtes-vous seule, ici ?
— Je suis seule, mon chéri, malheureusement pour moi et tant mieux pour vous, répond une voix croassante. Entrez, qui que vous soyez… Je ne puis encore vous voir, mais je vais frotter une allumette ; pourtant il me semble reconnaître le son de votre voix… Je vous connais, n’est-ce pas ?
— Frottez votre allumette et voyez !
— C’est ce que je vais faire… c’est ce que je vais faire… Mais ma main tremble. Et puis je tousse si fort que dans quelque endroit que soient mes allumettes, je ne puis jamais mettre la main dessus. Elles sautent et changent de place à chaque accès de ma toux, comme si c’étaient des morceaux de bois vivant. Arrivez-vous de voyage ?
— Non.
— Vous n’êtes pas marin ?
— Non.
— Très-bien, nous avons des pratiques qui vivent sur la terre ferme, d’autres sur les eaux… Je suis une mère pour les unes comme pour les autres. Bien différente en cela de Jack, le Chinois, de l’autre côté de la cour. Il n’est un père pour personne. Ce n’est pas dans sa nature. Et il n’a pas le véritable secret du mélange, quoiqu’il fasse payer le même prix que moi, et souvent davantage. Ah ! voici une allumette… maintenant où est la chandelle ? Si ma toux me prend, je brûlerai vingt allumettes avant d’avoir pu obtenir de la lumière. »
Heureusement, elle trouve la chandelle et l’allume avant que la toux ne revienne.
L’accès la prend au moment du succès ; elle s’assied, se balance de ci et de là en murmurant à de courts intervalles :
« Oh ! mes poumons sont dans un misérable état… mes poumons s’en sont allés par morceaux… »
Et puis l’accès passe.
Tant qu’il a duré, elle n’a pas eu la faculté de voir, tant son être est absorbé dans cette terrible lutte.