Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/14

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rôtis et mangés. Et puis, je ne suis pas seul, ainsi que tu peux le croire. Il y a là un jeune homme avec moi, un jeune homme auprès duquel je suis un ange. Ce jeune homme entend ce que je te dis. Ce jeune homme a un moyen tout particulier de se procurer le cœur et le foie des petits gars de ton espèce. Il est impossible, à n’importe quel moucheron comme toi, de le fuir ou de se cacher de lui. Tu auras beau fermer la porte au verrou, te croire en sûreté dans ton lit bien chaud, te cacher la tête sous les couvertures, et espérer que tu es à l’abri de tout danger, ce jeune homme saura s’approcher de toi et t’ouvrir le ventre. Ce n’est qu’avec de grandes difficultés que j’empêche en ce moment ce jeune homme de te faire du mal. J’ai beaucoup de peine à l’empêcher de fouiller tes entrailles. Eh bien ! qu’en dis-tu ? »

Je lui dis que je lui procurerais la lime dont il avait besoin, et toutes les provisions que je pourrais apporter, et que je viendrais le trouver à la Batterie, le lendemain, à la première heure.

« Répète après moi : « Que Dieu me frappe de mort, si je ne fais pas ce que vous m’ordonnez, » fit l’homme.

Je dis ce qu’il voulut, et il me posa à terre.

« Maintenant, reprit-il, souviens-toi de ce que tu promets, souviens-toi de ce jeune homme, et rentre chez toi !

— Bon… bonsoir… monsieur, murmurai-je en tremblant.

— C’est égal ! dit-il en jetant les yeux sur le sol humide. Je voudrais bien être grenouille ou anguille. »

En même temps il entoura son corps grelottant avec ses grands bras, en les serrant tellement qu’ils