Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/194

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— Non, dit Biddy en riant, pourquoi t’imagines-tu cela ? »

Ce n’était pas une illusion que je me faisais, j’avais vu une larme brillante tomber sur son ouvrage. Je me rappelais quel pauvre souffre-douleur elle avait été jusqu’au jour où la grand’tante de M. Wopsle avait perdu la mauvaise habitude de vivre, habitude si difficile à perdre pour certaines personnes. Je me rappelais les misérables circonstances au milieu desquelles elle s’était trouvée dans la pauvre boutique et dans la bruyante école du soir. Je réfléchissais que, même dans ces temps malheureux, il devait y avoir eu en Biddy quelque talent caché, qui se développait maintenant, car dans mon premier mécontentement de moi-même, c’est à elle que j’avais demandé aide et assistance. Biddy causait tranquillement, elle ne pleurait plus, et il me semblait, en songeant à tout cela et en la regardant, que je n’avais peut-être pas été suffisamment reconnaissant envers elle ; que j’avais été trop réservé, et surtout que je ne l’avais pas assez honorée, ce n’est peut-être pas précisément le mot dont je me servais dans mes méditations, de ma confiance.

« Oui, Biddy, dis-je, après avoir mûrement réfléchi, tu as été mon premier maître, et cela à une époque où nous ne pensions guère nous trouver un jour réunis dans cette cuisine.

— Ah ! la pauvre créature ! s’écria Biddy, comme si cette remarque lui eût rappelé qu’elle avait oublié pendant quelques instants d’aller voir si ma sœur avait besoin de quelque chose, c’est malheureusement vrai !

— Eh bien ! dis-je, il faut causer ensemble un peu plus souvent, et pour moi, je te consulterai aussi comme autrefois. Dimanche prochain, allons faire une