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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/247

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un siège recouvert d’une vielle housse vert pois, toute rongée, usée par le temps, et déchiquetée par les vers. C’était un équipage merveilleux, avec six grandes couronnes de comte sur les panneaux, et derrière, quantité de choses tout en loques, pour supporter je ne sais combien de laquais, et une flèche en bas pour empêcher les piétons amateurs de céder à la tentation de remplacer les laquais.

J’avais à peine eu le temps de goûter les douceurs de la voiture et de penser combien elle ressemblait à une cour à fumier et à une boutique à chiffons, tout en cherchant pourquoi les sacs où les chevaux devaient manger se trouvaient à l’intérieur, quand je vis le cocher se préparer à descendre, comme si nous allions nous arrêter. Effectivement, nous nous arrêtâmes bientôt dans une rue à l’aspect sinistre, devant un certain bureau dont la porte était ouverte, et sur laquelle on lisait : M. JAGGERS.

« Combien ? demandai-je au cocher.

— Un shilling, me répondit-il, à moins que vous ne vouliez donner davantage. »

Naturellement, je ne voulais pas donner davantage, et je le lui dis.

« Alors, c’est un shilling, observa le cocher. Je ne tiens pas à me faire une affaire avec lui, je le connais. »

Il cligna de l’œil et secoua la tête en prononçant le nom de M. Jaggers.

Quand il eut pris son shilling et qu’il eut employé un certain temps à remonter sur son siège, il se décida à partir ; ce qui parut apporter un grand soulagement à son esprit. J’entrai dans le premier bureau avec mon portemanteau à la main, et je demandai si M. Jaggers était chez lui.