Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/268

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— En vérité ?

— Oui, miss Havisham m’avait envoyé chercher pour voir si elle pourrait me prendre en affection, mais elle ne l’a pas pu… ou dans tous les cas elle ne l’a pas fait. »

Je crus poli de remarquer que j’en étais très-étonné.

« C’est une preuve de son mauvais goût ! dit Herbert en riant ; mais c’est un fait. Oui, elle m’avait envoyé chercher pour une visite d’essai, et si j’étais sorti avec succès de cette épreuve, je suppose qu’on aurait pourvu à mes besoins ; peut-être aurais-je été le…, comme vous voudrez l’appeler, d’Estelle.

— Qu’est-ce que cela ? » demandai-je tout à coup avec gravité.

Il était occupé à arranger ses fruits sur une assiette, tout en parlant ; c’est probablement ce qui détournait son attention, et avait été cause que le vrai mot ne lui était pas venu.

« Fiancé ! reprit-il, promis… engagé… comme vous voudrez, ou tout autre mot de cette sorte.

— Comment avez-vous supporté votre désappointement ? demandai-je.

— Bah ! dit-il, ça m’était bien égal. C’est une sauvage.

— Miss Havisham ? dis-je.

— Je ne dis pas cela pour elle : c’est d’Estelle que je voulais parler. Cette fille est dure, hautaine et capricieuse au dernier point ; elle a été élevée par miss Havisham pour exercer sa vengeance sur tout le sexe masculin.

— Quel est son degré de parenté avec miss Havisham ?

— Elle ne lui est pas parente, dit-il ; mais miss Havisham l’a adoptée.