Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/281

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plus qu’à regarder tout autour de vous ce qui vous conviendra le mieux. »

Je fus frappé d’une chose singulière : c’est que pour chercher des affaires il fallût être dans un bureau ; mais je gardai le silence, m’en rapportant complètement à son expérience.

« Alors, continua Herbert, le vrai moment arrive où vous trouvez une occasion ; vous la saisissez au passage, vous fondez dessus, vous faites votre capital et vous êtes établi. Quand une fois votre capital est fait, vous n’avez plus rien à faire qu’à l’employer. »

Sa manière de se conduire ressemblait beaucoup à celle qu’il avait tenue dans le jardin le jour de notre rencontre. C’était bien toujours la même chose. Il supportait sa pauvreté comme il avait supporté sa défaite, et il me semblait qu’il prenait maintenant toutes les luttes et tous les coups de la fortune comme il avait pris les miens autrefois. Il était évident qu’il n’avait autour de lui que les choses les plus nécessaires, car tout ce que je remarquais sur la table et dans l’appartement finissait toujours par avoir été apporté pour moi du restaurant ou d’autre part.

Cependant, malgré qu’il s’imaginât avoir fait sa fortune, il s’en faisait si peu accroire, que je lui sus un gré infini de ne pas s’en enorgueillir.

C’était une aimable qualité à ajouter à son charmant naturel, et nous continuâmes à être au mieux. Le soir nous sortîmes pour aller faire un tour dans les rues, et nous entrâmes au théâtre à moitié prix. Le lendemain nous fûmes entendre le service à l’abbaye de Westminster. Dans l’après-midi, nous visitâmes les parcs. Je me demandais qui ferrait tous les chevaux que je rencontrais ; j’aurais voulu que ce fût Joe.

Il me semblait, en supputant modérément le temps