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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/288

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qu’elle l’avait lancée comme le premier pas qu’elle daignait faire dans la conversation générale.

Je découvris en quelques heures, je puis le dire ici sans plus tarder, que Mrs Pocket était fille unique d’un certain chevalier, mort d’une façon tout à fait accidentelle, qui s’était persuadé à lui-même que défunt son père aurait été fait baronnet, sans l’opposition acharnée de quelqu’un, opposition basée sur des motifs entièrement personnels. J’ai oublié de qui, si toutefois je l’ai jamais su. Était-ce du souverain, du premier ministre, du chancelier, de l’archevêque de Canterbury ou de toute autre personne ? Je ne sais ; mais en raison de ce fait, entièrement supposé, il s’était lié avec tous les nobles de la terre. Je crois que lui-même avait été créé chevalier pour s’être rendu maître, à la pointe de la plume, de la grammaire anglaise, dans une adresse désespérée, copiée sur vélin, à l’occasion de la pose de la première pierre d’un édifice quelconque, et pour avoir tendu à quelque personne royale, soit la truelle, soit le mortier. Peu importe pourquoi ; il avait destiné Mrs Pocket à être élevée, dès le berceau, comme une personne qui, dans l’ordre des choses, devait épouser un personnage titré, et de laquelle il fallait éloigner toute espèce de connaissance plébéienne. On avait réussi à faire si bonne garde autour de la jeune miss, d’après les intentions de ce père judicieux, qu’elle avait toutes sortes d’agréments acquis et brillants, mais qu’elle était du reste parfaitement incapable et inutile. Avec ce caractère si heureusement formé, dans la première fleur de jeunesse, il n’avait pas encore décidé s’il se destinerait aux grandeurs administratives ou aux grandeurs cléricales. Comme pour arriver aux unes ou autres, ce n’é-