Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/296

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pagnie une paire de bas tricotés et de jambes à fossettes au lieu de sa douce figure ; finalement on l’emporta dans un accès de mutinerie terrible. Après tout, il finit par gagner la partie, car quelques minutes après, je le vis à travers la fenêtre, dans les bras de la petite Jane.

On laissa les cinq autres enfants seuls à table, parce que Flopson avait une occupation secrète qui ne regardait personne ; et je pus alors me rendre compte des relations qui existaient entre eux et M. Pocket. On le verra par ce qui va suivre. M. Pocket, avec l’embarras naturel à son visage échauffé et à ses cheveux en désordre, les regarda pendant quelques minutes comme s’il ne se rendait pas bien compte comment ils couchaient et mangeaient dans l’établissement, et pourquoi la nature ne les avait pas logés chez une autre personne ; puis, d’une manière détournée et jésuitique, il leur fit certaines questions :

« Pourquoi le petit Joe a-t-il ce trou à son devant de chemise ? »

Celui-ci répondit :

« Papa, Flopson devait le raccommoder quand elle aurait le temps.

— Comment la petite Fanny a-t-elle ce panaris ? »

Celle-ci répondit :

« Papa, Millers allait lui mettre un cataplasme, quand elle l’a oublié. »

Puis il se laissa aller à sa tendresse paternelle, leur donna à chacun un shilling, et leur dit d’aller jouer. Dès qu’ils furent sortis, il fit un effort violent pour se soulever par les cheveux et ne plus penser à ce malencontreux sujet.

Dans la soirée, on fit une partie sur l’eau. Comme Drummle et Startop avaient chacun un bateau, je résolus d’avoir aussi le mien et de les battre tous deux.