Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/332

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comprendrez. J’espère et je ne doute pas que vous serez charmé de le voir, quoique vous soyez maintenant un beau monsieur, car vous avez toujours eu bon cœur, et lui, c’est un digne, bien digne homme. Je lui ai tout lu, excepté seulement la dernière petite phrase, et il désire très-particulièrement que je vous répète encore : What larks. »

Je reçus cette lettre par la poste, le lundi matin. Le rendez-vous était donc pour le lendemain. Qu’il me soit permis de confesser exactement avec quels sentiments j’attendis l’arrivée de Joe.

Ce n’était pas avec plaisir, bien que je tinsse à lui par tant de liens. Non ; c’était avec un trouble considérable, un peu de mortification et un vif sentiment de mauvaise humeur en pensant à son manque de manières. Si j’avais pu l’empêcher de venir, en donnant de l’argent, j’en aurais certainement donné. Ce qui me rassurait le plus, c’est qu’il venait à l’Hôtel Barnard et non pas à Hammersmith, et que conséquemment il ne tomberait pas sous la griffe de Drummle. Je n’avais pas d’objection à laisser voir Joe à Herbert ou à son père, car je les estimais tous les deux ; mais j’aurais été très-vexé de le laisser voir par Drummle, pour lequel je n’avais que du mépris. C’est ainsi que, dans la vie, nous commettons généralement nos plus grandes bassesses et nos plus grandes faiblesses pour des gens que nous méprisons.

J’avais commencé à décorer nos chambres, tantôt d’une manière tout à fait inutile, tantôt d’une manière mal appropriée, et ces luttes avec le délabrement de l’Hôtel Barnard ne laissaient pas que d’être fort coûteuses. À cette époque, nos chambres étaient bien différentes de ce que je les avais trouvées, et je jouissais de l’honneur d’occuper une des premières pages dans