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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/371

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Mon tuteur occupait au Cochon bleu la chambre voisine de la mienne. Jusqu’au milieu de la nuit les paroles de miss Havisham : « Aimez-la ! aimez-la ! aimez-la ! » résonnèrent à mon oreille. Je les adaptai à mon usage, et je répétais à mon oreille : « Je l’aime !… je l’aime !… je l’aime !… » plus de cent fois. Alors un transport de gratitude envers miss Havisham s’empara de moi en songeant qu’Estelle m’était destinée, à moi, autrefois le pauvre garçon de forge. Puis je pensais avec crainte qu’elle n’entrevoyait pas encore cette destinée sous le même jour que moi. Quand commencerait-elle à s’y intéresser ? Quand me serait-il donné d’éveiller son cœur muet et endormi ?

Mon Dieu ! je croyais ces émotions grandes et nobles, et je ne pensais pas qu’il y avait quelque chose de bas et de petit à rester éloigné de Joe parce que je savais qu’elle avait et qu’elle devait avoir un profond dédain pour lui. Il n’y avait qu’un jour que Joe avait fait couler mes larmes, mais elles avaient bien vite séché !… Dieu me pardonne ! elles avaient bien vite séché !…


FIN DU PREMIER VOLUME.