Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joyeux visage et de la réplique toujours prête de mon ami.

Il faisait un temps affreux, orageux et humide, et la boue, la boue, l’affreuse boue était épaisse dans toutes les rues. Depuis plusieurs jours, un immense voile de plomb s’était appesanti sur Londres, venant de l’Est, et il s’étendait sans cesse, comme si dans l’Est il y avait une éternité de nuages et de vents. Si furieuses avaient été les bouffées de la tempête, que les hautes constructions de la ville avaient eu le plomb arraché de leurs toitures. Dans la campagne, des arbres avaient été déracinés et des ailes de moulin emportées. De tristes nouvelles arrivaient de la côte, on annonçait des naufrages et des morts. De violentes pluies avaient accompagné ces rafales de vent. Le jour qui finissait, au moment où je m’asseyais pour lire, avait été le plus terrible de tous.

Des changements ont été faits dans cette partie du Temple depuis cette époque, et il ne présente pas aujourd’hui l’aspect isolé qu’il avait alors, il n’est pas non plus aussi exposé à la rivière. Nous demeurions au dernier étage, et le vent, en remontant la rivière, faisait trembler notre maison cette nuit-là, comme des décharges de canon ou les brisants de la mer. Quand la pluie s’en mêla et vint fouetter contre les fenêtres, je pensai, en levant les yeux et en les voyant remuer, que j’aurais pu facilement me figurer être dans un phare battu par l’orage. Par moments, la fumée retombait dans la cheminée, comme si elle ne pouvait se décider à sortir par un temps pareil, et quand j’ouvris les portes pour regarder dans l’escalier, je vis que les lampes étaient éteintes, et quand je reformais un abat-jour de mes mains pour regarder à travers les fenêtres noires (il était impossible de les ouvrir si peu