Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/189

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que j’étais entré. Pendant un instant, je me cachai parmi les ruelles et les passages, et ensuite je partis pour faire à pied toute la route jusqu’à Londres. Car j’avais à ce moment tellement repris mes esprits, que je réfléchis que je ne pouvais pas retourner à l’hôtel et y voir Drummle ; que je ne pourrais pas supporter d’être assis dans la voiture et m’entendre adresser la parole ; que je ne pouvais rien faire de mieux pour moi-même que de me fatiguer.

Il était plus de minuit quand je traversai le pont de Londres. Passant par les étroits labyrinthes des rues qui, à cette époque, longeaient à l’ouest la rive du fleuve qui faisait partie du comté de Middlesex, mon plus court chemin pour gagner le Temple était de suivre la rivière par Whitefriars. On ne m’attendait que le lendemain, mais j’avais mes clefs, et si Herbert était couché, je pouvais gagner mon lit sans le déranger.

Comme il arrivait rarement que j’entrasse par la porte de Whitefriars, quand le Temple était fermé, et que j’étais très-crotté et très-fatigué, je ne me formalisai pas, en voyant le portier m’examiner avec beaucoup d’attention en tenant la porte entr’ouverte pour me laisser passer. Pour aider sa mémoire je lui dis mon nom.

« Je n’en étais pas bien certain, monsieur, mais je le pensais. Voici une lettre, monsieur ; la personne qui l’a apportée a dit que vous soyez assez bon pour la lire à la lanterne. »

Très-surpris de cette recommandation, je pris la lettre. Elle était adressée à Philip Pip, Esquire, et au haut de l’enveloppe étaient ces mots : « veuillez lire cette lettre ici même. » Je l’ouvris, le portier m’éclairait, et je lus de la main de Wemmick :

« NE RENTREZ PAS CHEZ VOUS ! »


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