Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/79

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de départ. Il avait quitté son pupitre, sorti les deux chandeliers de son bureau graisseux, les avait placés en ligne avec les mouchettes sur une tablette près de la porte, tout près d’être éteints ; il avait éparpillé son feu, apprêté son chapeau et son pardessus, et se frappait la poitrine avec sa clef, comme si c’était un bon exercice après les affaires.

« Monsieur Wemmick, dis-je, j’ai besoin de votre opinion. J’ai le plus grand désir d’être utile à un ami… »

Wemmick pinça sa boîte aux lettres et secoua la tête, comme si son opinion était morte pour toute fatale faiblesse de cette sorte.

« Cet ami, continuai-je, essaye d’entrer dans la vie commerciale, mais il n’a pas d’argent et trouve les commencements difficiles et décourageants… Je voudrais, d’une manière ou d’une autre, l’aider à commencer…

— Avec de l’argent comptant ? dit Wemmick d’un ton plus sec que de la sciure de bois.

— Avec un peu d’argent comptant, car le souvenir désagréable du paquet symétrique de comptes et de factures laissé à la maison vint me traverser l’esprit ; avec un peu d’argent comptant, et peut-être aussi en anticipant un peu sur mes espérances.

— Monsieur Pip, dit Wemmick, j’aimerais à récapituler avec vous sur mes doigts, s’il vous plaît, les noms des divers ponts jusqu’à Chelsea. Voyons : il y a le pont de Londres, un ; Southwark, deux ; Blackfriars, trois ; Waterloo, quatre ; Westminster, cinq ; Wauxhall, six ; Chelsea, sept.[1]

  1. Depuis l’époque vague où se passent les faits racontés par Philip Pirrip, la Tamise s’est enrichie de trois ponts : 1° le pont