Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/122

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précipitant vers le malencontreux jeune homme. Il a été payé par ce fripon de Jingle pour me faire perdre la trace en me contant des balivernes sur ma sœur et sur votre ami Tupman. (Ici M. Tupman se laissa tomber sur une chaise.) Laissez-moi l’attraper !

— Retenez-le ! s’écrièrent toutes les femmes ; et par-dessus leurs voix effrayées, on entendait distinctement les sanglots du gros garçon.

— Je ne veux pas qu’on me retienne ! bégayait le colérique vieillard. M. Winkle, ôtez vos mains ! M. Pickwick ! Lâchez-moi, monsieur ! »

Dans ce moment de tourmente et de confusion, c’était un beau spectacle de voir l’attitude calme et philosophique de M. Pickwick. Une tranquillité majestueuse régnait sur sa figure quoiqu’elle fût un peu enflammée par les efforts qu’il faisait pour modérer les passions impétueuses de son hôte, dont il avait fortement embrassé la vaste ceinture. Pendant ce temps, Joe était égratigné, tiré, bousculé, poussé hors de la chambre par toutes les femmes qui s’y trouvaient rassemblées. Après sa disparition, M. Wardle fut relâché, et dans le même instant, on vint annoncer que le cabriolet était prêt.

« Ne le laissez pas aller seul, crièrent les femmes, il tuera quelqu’un.

— J’irai avec lui, dit M. Pickwick.

— Vous êtes un bon garçon, Pickwick, repartit M. Wardle en lui serrant la main. Emma, donnez un châle à M. Pickwick pour attacher autour de son cou. Dépêchez ! Soignez votre grand-mère, enfants, elle se trouve mal. Allons, êtes-vous prêt ? »

La bouche et le menton de M. Pickwick ayant été rapidement enveloppés d’un châle, son chapeau ayant été enfoncé sur sa tête, et son pardessus jeté sur son bras, il répliqua affirmativement.

Lorsque nos deux amis furent montés dans le cabriolet :

« Lâchez-lui la bride, Tom, » cria le vieillard. Et la voiture partit à travers les ruelles étroites, tombant dans les ornières et frôlant les haies, au hasard de se briser à chaque instant.

« Ont-ils beaucoup d’avance ?… cria M. Wardle en arrivant à la porte du Lion Bleu autour de laquelle, malgré l’heure avancée, il s’était formé un groupe de causeurs.

— Pas plus de trois quarts d’heure ; répondirent tous les assistants à la fois.