Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/145

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ses disciples. Ils avaient un air mystérieux, aussi alarmant qu’extraordinaire. Le grand homme s’en aperçut et ne put en deviner la cause.

Après avoir serré les mains des deux jeunes gens, et proféré de chaudes expressions de bienvenue, M. Pickwick leur dit : « Comment va Tupman ? »

M. Winkle, à qui cette question était plus particulièrement adressée, ne fit point de réponse. Il détourna la tête et parut absorbé dans de mélancoliques réflexions.

« Snodgrass, reprit M. Pickwick avec vivacité, comment va notre ami ? Est-il malade ?

— Non ! répliqua M. Snodgrass ; et une larme trembla sur sa paupière sentimentale, comme une goutte de pluie sur le bord d’une croisée. Non ! il n’est pas malade ! »

M. Pickwick contempla tour à tour chacun de ses amis.

« Winkle ! Snodgrass ! leur dit-il quand il les eut suffisamment contemplés, que signifie cela ? Où est notre ami ? Qu’est-il arrivé ? Parlez, je vous en supplie, je vous en conjure ! Que dis-je ? je vous le commande, parlez ! »

Il y avait dans le maintien et dans l’accent de M. Pickwick une dignité, une solennité à laquelle il était impossible de résister. « Il nous a quittés, répondit M. Snodgrass.

— Quittés ! s’écria M. Pickwick.

— Quittés, répéta M. Snodgrass.

— Où est-il ? demanda M. Pickwick.

— Nous pouvons seulement le soupçonner d’après cet écrit, répliqua M. Snodgrass en tirant une lettre de sa poche et la plaçant entre les mains de son ami. Hier matin, quand nous avons reçu une lettre de M. Wardle, qui nous annonçait pour la nuit le retour de sa sœur, nous avons remarqué que la mélancolie qui assombrissait l’âme de notre ami, semblait s’accroître encore. Peu de temps après il disparut. Nous le cherchâmes vainement durant tout le jour ; et, dans la soirée, cette lettre nous fut apportée par le palefrenier de la Couronne, à Muggleton. Notre ami la lui avait laissée dès le matin, en lui recommandant bien de ne nous la remettre que lorsque les ombres de la nuit auraient obscurci la nature. »

M. Pickwick ouvrit la lettre. Elle était de l’écriture de M. Tupman, et contenait ce qui suit ;

« Mon cher Pickwick,

« Vous qui êtes placés dans une région supérieure aux fai-