Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/292

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entre Clare-Market et New Inn, M. Pickwick et Sam descendirent en sûreté l’escalier raboteux et se mirent en quête de la Souche et la Pie.

Cette taverne favorite, consacrée aux orgies nocturnes de M. Lowten et de ses compagnons, était ce que des gens ordinaires appellent un bouchon. Une petite échoppe adossée à la muraille et sous-louée à un cordonnier en vieux, marquait suffisamment que le propriétaire de la Pie était un homme disposé à gagner de l’argent ; en même temps que la protection par lui accordée à un vendeur de petits pâtés, qui débitait ses chatteries sans crainte d’interruption sur le pas même de la porte, démontrait évidemment que ledit propriétaire possédait un esprit philanthropique. Deux ou trois pancartes imprimées, faisant allusion à du cidre de Devonshire et à de l’eau-de-vie de Dantzig, pendaient aux carreaux inférieurs des fenêtres, décorées de rideaux safran, tandis qu’un large écriteau noir annonçait, en lettres blanches, au public savant, qu’il y avait cinq cent mille barils de double bière dans les celliers de la maison, laissant l’esprit dans un état de doute fort agréable quant à la direction précise dans laquelle on pouvait supposer que cette immense caverne s’étendait dans les entrailles de la terre. Nous aurons décrit autant qu’il est nécessaire l’extérieur de l’édifice, lorsque nous aurons ajouté que l’enseigne antique étalait la figure à moitié effacée d’une pie contemplant attentivement une ligne tortueuse de couleur brune, que les voisins avaient été habitués dès l’enfance à reconnaître pour la souche.

Lorsque M. Pickwick se présenta au comptoir, il fut reçu par une femme d’un certain âge qui sortit de derrière un paravent.

« M. Lowten est-il ici, madame ?

— Oui, monsieur, il y est. Charley, introduisez le gentleman auprès de M. Lowten.

— Le gen’l’m’n peut pas entrer à c’t’ heure, répondit un jeune Ganymède à la tête rousse. M’sieu Lowten i’ chante une chanson farce, et ça l’interloquerait. Ça ne sera pas bien long, m’sieu. »

Le Ganymède roux avait à peine cessé de parler, lorsque le cliquetis des verres et le tonnerre des coups frappés sur la table annoncèrent que la chanson était terminée. M. Pickwick engagea Sam à se délasser dans la buvette, et suivit son introducteur.

Sur cette annonce : « Un gen’l’m’n pour vous parler, m’sieu. »