Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/99

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s’était légèrement amélioré. Il avait des bottes neuves, mais il était impossible de le méconnaître.

L’étranger reconnut immédiatement ses amis. Avec son impétuosité ordinaire et en parlant continuellement, il se précipita vers M. Pickwick, le saisit par la main et le tira vers un siége, comme si tous les arrangements du jeu avaient été spécialement sous sa direction.

« Par ici ! — par ici ! — ça sera fièrement amusant, — muids de bière, — monceaux de bœuf, — tonneaux de moutarde, — glorieuse journée, — asseyez-vous, — mettez-vous à votre aise, — charmé de vous voir, très-charmé. »

M. Pickwick s’assit comme on le lui disait, et MM. Winkle et Snodgrass suivirent également les indications de leur mystérieux ami. M. Wardle l’examinait avec un étonnement silencieux.

— M. Wardle, un de mes amis, dit M. Pickwick à l’étranger.

— Un de vos amis ? s’écria celui-ci. Mon cher monsieur, comment vous portez-vous ? — Les amis de nos amis sont… — Votre main, monsieur. »

En enfilant ces phrases, l’étranger saisit la main de M. Wardle avec toute la chaleur d’une vieille intimité, puis se recula de deux ou trois pas, comme pour mieux voir son visage et sa tournure, puis secoua sa main de nouveau plus chaudement encore que la première fois, s’il est possible.

« Et comment êtes-vous venu ici ? demanda M. Pickwick avec un sourire où la bienveillance luttait contre la surprise.

— Venu ? — Je loge à l’auberge de la Couronne, à Muggleton. — Rencontré une société. — Jaquettes de flanelle, — pantalons blancs, — sandwiches aux anchois, — rognons braisés, — fameux gaillards, — charmant ! »

M. Pickwick connaissait assez le système sténographique de l’étranger pour conclure de cette communication rapide et disloquée que, d’une manière ou d’une autre, il avait fait connaissance avec les Muggletoniens, et que, par un procédé qui lui était particulier, il était parvenu à en extraire une invitation générale. La curiosité de M. Pickwick ainsi satisfaite, il ajusta ses lunettes et se prépara à considérer le jeu qui venait de commencer.

Les deux joueurs les plus renommés du fameux club de Muggleton, M. Dumkins et M. Podder, tenant leurs crosses à la