Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/10

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raissait le nombre ordinaire de jambes, revêtues d’un pantalon couleur de poivre, terminé par une paire de bottes imparfaitement cirées. Quoique les manches de son habit fussent courtes, elles ne laissaient voir aucun vestige de manchettes ; et quoique son visage fût assez large pour admettre l’encadrement d’un col de chemise, il n’était orné d’aucun appendice de ce genre. Au total, son costume avait l’air un peu moisi, et il répandait autour de lui une pénétrante odeur de cigares à bon marché.

M. Bob Sawyer, couvert d’un gros vêtement bleu moitié paletot, moitié redingote, d’un large pantalon écossais, d’un grossier gilet à doubles revers, avait cet air de prétention malpropre, cette tournure fanfaronne, particulière aux jeunes gentlemen qui fument dans la rue durant le jour, y chantent et y crient durant la nuit, appellent les garçons des tavernes par leur nom de baptême, et accomplissent dans la rue divers autres exploits non moins facétieux ; il portait un gros bâton, orné d’une grosse pomme, se gardait de mettre des gants, et ressemblait en somme à un Robinson Crusoé, tombé dans la débauche.

Telles étaient les deux notabilités auxquelles M. Pickwick fut présenté, dans la matinée du jour de Noël.

« Superbe matinée, messieurs, » dit-il. M. Bob Sawyer fit un léger signe d’assentiment à cette proposition, et demanda la moutarde à M. Benjamin Allen.

— Êtes-vous venus de loin ce matin, messieurs ? poursuivit M. Pickwick.

— De l’auberge du Lion-Bleu, à Muggleton, répondit brièvement M. Allen.

— Vous auriez dû arriver hier au soir, continua M. Pickwick.

— Et c’est ce que nous aurions fait, répliqua Bob Sawyer, mais l’eau-de-vie du Lion-Bleu était trop bonne pour la quitter si vite ; pas vrai, Ben ?

— Certainement, répondit celui-ci, et les cigares n’étaient pas mauvais, ni les côtelettes de porc frais non plus, hein Bob ?

— Assurément, repartit Bob ; » et les amis intimes recommencèrent plus vigoureusement leur attaque sur le déjeuner, comme si le souvenir du souper de la veille leur avait donné un nouvel appétit.

« Mastique, Bob, dit Allen à son compagnon, d’un air encourageant.