Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

buvette, où les ladies et les gentlemen infirmes sont roulés dans une quantité de chaises et de fauteuils, si étonnante et si variée, qu’un individu aventureux, qui s’y rend avec le nombre ordinaire d’orteils, doit s’estimer heureux s’il les possède encore quand il en sort.

Enfin il y a une troisième buvette où se réunissent les gens tranquilles, parce qu’elle est moins bruyante que les autres. Il se fait d’ailleurs aux environs une infinité de promenades avec béquilles ou sans béquilles, avec canne ou sans canne, et une infinité de conversations et de plaisanteries, avec esprit ou sans esprit.

Chaque matin les buveurs d’eau consciencieux, parmi lesquels se trouvait M. Pickwick, se réunissaient dans les buvettes, avalaient leur quart de pinte, et marchaient suivant l’ordonnance. À la promenade de l’après-midi, lord Mutanhed et l’honorable M. Crushton, lady Snuphanuph, mistress Wugsby, et tout le beau monde, et tous les buveurs d’eau du matin, se réunissaient en grande compagnie. Après cela, ils se promenaient à pied, ou en voiture, ou dans les chaises à porteurs, et se rencontraient sur nouveaux frais. Après cela, les gentlemen allaient au cabinet de lecture, et y rencontraient une portion de la société ; après quoi, ils s’en retournaient chacun chez soi. Ensuite, si c’était jour de théâtre, on se rencontrait au théâtre ; si c’était jour d’assemblée, on se rencontrait au salon, et si ce n’était ni l’un ni l’autre, on se rencontrait le jour suivant : agréable routine à laquelle on pourrait peut-être reprocher uniquement une légère teinte de monotonie.

Après une journée dépensée de cette manière, M. Pickwick, dont les amis s’étaient allés coucher, s’occupait à compléter son journal, lorsqu’il entendit frapper doucement à sa porte.

— Je vous demande pardon, monsieur, dit la maîtresse de la maison, Mme  Craddock, en insinuant sa tête dans la chambre, vous n’avez plus besoin de rien ?

— De rien du tout, madame, répondit M. Pickwick.

— Ma jeune fille est allée se coucher, monsieur, et M. Dowler a la bonté de rester debout pour attendre Mme  Dowler, qui ne doit rentrer que fort tard. Ainsi, monsieur Pickwick, je pensais que si vous n’aviez plus besoin de rien, j’irais me coucher aussi.

— Vous ferez très-bien, madame.

— Je vous souhaite une bonne nuit, monsieur.

— Bonne nuit, madame. »