peur, ça ne réussit pas à tout le monde, voyez-vous. Faut pas vous laisser emporter comme ça par votre ardeur.
— Ce n’est pas tant cela, monsieur Weller ; c’est plutôt le mauvais vin. Je mène une vie trop dissipée, je le crains.
— Oh ! c’est-il cela ? c’est une mauvaise maladie, ça.
— Et pourtant, les tentations, monsieur Weller ?
— Ah ! bien sûr.
— Plongé dans le tourbillon de la société, comme vous savez, monsieur Weller, ajouta M. John Smauker avec un soupir.
— Ah ! c’est terrible, en vérité !
— Mais c’est toujours comme cela quand la destinée vous pousse dans une carrière publique, monsieur Weller. On est soumis à des tentations dont les autres individus sont exempts.
— Précisément ce que mon oncle disait quand il ouvrit une auberge, répondit Sam ; et il avait bien raison, le pauvre vieux ; car il a bu sa mort en moins d’un terme. »
M. Smauker parut profondément indigné du parallèle établi entre lui et le défunt aubergiste ; mais comme le visage de Sam conservait le calme le plus immuable, M. Smauker y réfléchit mieux, et reprit son air affable.
« Nous ferions peut-être bien de nous mettre en route, dit-il, en consultant une montre de cuivre qui habitait au fond d’un immense gousset, et qui était élevée à la surface au moyen d’un cordon noir, garni à l’autre bout d’une clef de chrysocale.
— C’est possible, répondit Sam ; autrement on pourrait laisser brûler le rat-houtte et ça le gâterait.
— Avez-vous bu les eaux, M. Weller ? demanda son compagnon, tout en marchant vers High-Street.
— Une seule fois.
— Comment les trouvez-vous ?
— Considérablement mauvaises.
— Ah ! vous n’aimez pas le goût vérugineux, peut-être ?
— Je ne connais pas beaucoup ça ; j’ai trouvé qu’elles sentaient la tôle rouge.
— C’est le vérugineux, monsieur Weller ; rétorqua M. John Smauker d’un ton contemptueux.
— Eh bien, c’est un mot qui ne signifie pas grand’chose, voilà tout. Au reste, je ne suis pas beaucoup chimique, ainsi peux pas dire. »
En achevant ces mots, et à la grande horreur de M. John Smauker, Sam commença à siffler.