Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/142

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« Mon bon ami, dit-il à M. Winkle, en profitant de l’absence temporaire de M. Bob Sawyer, qui était allé administrer à un chaland quelques-unes de ses sangsues d’occasion : mon bon ami, je suis bien malheureux ! »

M. Winkle exprima tous ses regrets, en apprenant cette nouvelle et demanda s’il ne pouvait rien faire pour alléger les chagrins de l’infortuné étudiant.

« Rien, mon cher, rien. Vous rappelez-vous Arabella ? ma sœur Arabella ? Une petite fille qui a des yeux noirs. Je ne sais pas si vous l’avez remarquée chez M. Wardle ? Une jolie petite fille, Winkle. Peut-être que mes traits pourront vous rappeler sa physionomie. »

M. Winkle n’avait pas besoin de procédés artificiels pour se souvenir de la charmante Arabella, et c’était fort heureux, car certainement les traits du frère lui auraient difficilement rappelé ceux de la sœur. Il répondit, avec autant de calme qu’il lui fut possible d’en feindre, qu’il se rappelait parfaitement avoir vu la jeune personne en question, et qu’il se flattait qu’elle était en bonne santé.

Pour toute réponse, M. Ben Allen, lui dit : « Notre ami Bob est un charmant garçon, Winkle.

— C’est vrai, répliqua laconiquement M. Winkle, qui n’aimait pas beaucoup le rapprochement de ces deux noms.

— Je les ai toujours destinés l’un à l’autre ; ils ont été créés l’un pour l’autre ; ils sont venus au monde l’un pour l’autre ; ils ont été élevés l’un pour l’autre, dit M. Ben Allen, en posant son verre avec emphase. Il y a un coup du sort dans cette affaire, mon cher garçon ; il n’y a entre eux qu’une différence de cinq ans, et tous les deux sont nés dans le mois d’août. »

M. Winkle était trop impatient d’entendre le reste, pour exprimer beaucoup d’étonnement de cette coïncidence, toute merveilleuse qu’elle fût. Ainsi, après une larme ou deux, Ben continua à dire que malgré toute son estime et son respect, et sa vénération pour son ami, sa sœur Arabella avait toujours, ingratement et sans raison, montré la plus vive antipathie pour sa personne. « Et je pense, conclut-il, je pense qu’il y a un attachement antérieur.

— Avez-vous quelque idée sur la personne ? » demanda en tremblant M. Winkle.

M. Ben Allen saisit le fourgon, le fit tourner d’une manière martiale au-dessus de sa tête, infligea un coup mortel sur