Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/173

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rurent en temps utile. Ensuite on attendit pendant une heure ou deux M. Namby, qui avait des personnes distinguées à dîner, et ne pouvait se déranger, sous aucun prétexte. Enfin notre philosophe monta avec lui et M. Perker dans une voiture qui les transporta à Chancery-lane.

Il y avait deux juges de service à Serjeants’ Inn, l’un du banc du roi, l’autre des common pleas ; et s’il fallait en croire la foule de clercs qui allaient et venaient avec des paquets de papiers, il devait passer par leurs mains une immense quantité d’affaires. Lorsque M. Pickwick et ses acolytes eurent atteint la basse arcade qui forme l’entrée de Serjeants’ Inn, Perker fut retenu, pendant quelques moments, pour parlementer avec le cocher, concernant le prix de la course et la monnaie, et M. Pickwick, se mettant de côté pour être hors du courant d’individus qui entraient, regarda autour de lui avec curiosité.

Les personnages qui attiraient le plus son attention, étaient trois ou quatre hommes d’une tournure à la fois prétentieuse et misérable. Ils touchaient leur chapeau devant la plupart des avoués qui passaient, et semblaient être là pour quelque affaire, dont M. Pickwick ne pouvait deviner la nature. C’étaient des individus fort curieux à observer. L’un était grand et boiteux, avec un habit noir râpé et une cravate blanche ; un autre était un gros courtaud, également vêtu de noir, mais dont la cravate, jadis noire, avait une teinte rougeâtre ; un troisième était un drôle de corps, à la tournure avinée, à la face bourgeonnée. Ils se promenaient aux alentours, les mains derrière le dos, et quelquefois, d’un air empressé, ils murmuraient deux ou trois mots à l’oreille des personnes qui passaient auprès d’eux avec des paquets de papiers. M. Pickwick se souvint de les avoir souvent remarqués sous l’arcade, lorsqu’il se promenait par-là, et il éprouva une vive curiosité de savoir à quelle branche de la chicane appartenaient ces flâneurs peu distingués.

Il allait le demander à Namby, qui était resté auprès de lui, et qui s’occupait à sucer un large anneau d’or, dont son petit doigt était décoré, lorsque Perker revint avec empressement leur dire qu’il n’y avait pas de temps à perdre, et se dirigea vers l’intérieur de la maison. M. Pickwick se disposait à le suivre, lorsque le boiteux s’approcha de lui, toucha poliment son chapeau, et lui tendit une carte écrite à la main. Notre excellent ami, ne voulant pas contrister cet inconnu par un refus, accepta gracieusement sa carte, et la déposa dans la poche de son gilet.