Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/216

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« Non, dit le vieux gentleman. S’il ne veut pas que vous y restiez, je ne vois pas de moyens du tout. C’est pas une grand’ route, Sammy ; c’est pas une grand’ route.

— Eh bien ! alors, je vas vous dire ce qui en est. Je vous prierai de me prêter vingt-cinq livres sterling.

— Quel bien ça fera-t-i ça ?

— Vous inquiétez pas. Peut-être que vous me les redemanderez cinq minutes après ; peut-être que je dirai que je ne veux pas les rendre, et que je ferai l’insolent. Et vous, vous êtes capable de faire arrêter votre propre fils pour un peu d’argent. Vous êtes capable de l’envoyer en prison, père dénaturé ! »

À ces mots, le père et le fils échangèrent un code complet de signes et de gestes télégraphiques, après quoi M. Weller s’assit sur une pierre et se mit à rire si violemment qu’il en devint pourpre.

« Quelle vieille face d’image ! s’écria Sam, indigné de cette perte de temps. Qu’est-ce que vous avez besoin de vous asseoir là et de faire des grimaces comme le marteau d’une porte cochère. Est-ce que nous n’avons pas autre chose à faire ? Où est la monnaie ?

— Dans le coffre, Sam, dans le coffre, dit M. Weller, en rendant à ses traits leur expression accoutumée. Tiens mon chapeau, Sam. »

Débarrassé de cet ornement, M. Weller tordit son corps tout d’un côté, et, par un mouvement habile, parvint à insinuer sa main droite dans une poche immense, d’où il vint à bout d’extraire, après bien des efforts et des soupirs, un portefeuille grand in-octavo, fermé par une énorme courroie de cuir. Il tira de ce portefeuille une couple de mèches de fouet, trois ou quatre boucles, un petit sac d’échantillon d’avoine, et enfin un rouleau de bank-notes fort malpropres, parmi lesquelles il choisit la somme requise, qu’il tendit à Sam.

« Et maintenant, Sammy, dit-il après avoir réintégré dans le portefeuille les mèches, les boucles et le sac d’avoine, et après avoir de nouveau déposé le portefeuille dans le fond de sa grande poche ; maintenant, Sammy, je connais un gentleman qui va faire pour nous le reste de la besogne en moins de rien. C’est un suppôt de la loi, Sammy, qu’a de la cervelle, jusqu’au bout des doigts comme les grenouilles ; un ami du lord chancelier, celui qui n’aurait qu’un signe à faire pour te faire enfermer toute ta vie si i’ voulait.

— Halte-là, interrompit Sam, pas de ça.