Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/236

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releva précipitamment. « Ma foi ! dit-il, le voilà libéré à la fin. »

Cela était vrai. Mais durant sa vie il était devenu si semblable à un mort, qu’on ne sut point dans quel instant il avait expiré.




CHAPITRE XVI.

Où l’on décrit une entrevue touchante entre M. Samuel Weller et sa famille. M. Pickwick fait le tour du petit monde qu’il habite, et prend la résolution de ne s’y mêler, à l’avenir, que le moins possible.

Quelques matinées après son incarcération, Sam ayant arrangé la chambre de son maître avec tout le soin possible, et ayant laissé le philosophe confortablement assis près de ses livres et de ses papiers, se retira pour employer une heure ou deux le mieux qu’il pourrait. Comme la journée était belle, il pensa qu’une pinte de porter, en plein air, pourrait embellir son existence, aussi bien qu’aucun autre petit amusement dont il lui serait possible de se régaler.

Étant arrivé à cette conclusion, il se dirigea vers la buvette, acheta sa bière, obtint en outre un journal de l’avant-veille, se rendit à la cour du jeu de quilles, et, s’asseyant sur un banc, commença à s’amuser d’une manière très-méthodique.

D’abord il but un bon coup de bière, et levant les yeux vers une croisée, lança un coup d’œil platonique à une jeune lady qui y était occupée à peler des pommes de terre ; ensuite il ouvrit le journal et le plia de manière à mettre au-dessus le compte rendu des tribunaux ; mais comme ceci est une œuvre difficile, surtout quand il fait du vent, il prit un autre coup de bière aussitôt qu’il en fut venu à bout. Alors il lut deux lignes du journal, et s’arrêta pour contempler deux individus qui finissaient une partie de paume. Lorsqu’elle fut terminée, il leur cria : Très-bien, d’une manière encourageante, puis regarda tout autour de lui pour savoir si le sentiment des spectateurs coïncidait avec le sien. Ceci entraînait la nécessité de regarder aussi aux fenêtres ; et comme la jeune lady était