Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/240

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des mauvaises paroles avec ta belle-mère. Mais tu as raison : c’est trop dans le genre de l’apoplexie, beaucoup trop, Samivel. »

Cette conversation amena nos deux personnages à la porte du divan. Sam s’y arrêta un instant, jeta par-dessus son épaule un coup d’œil malin à son respectable auteur, qui ricanait derrière lui, puis il tourna le bouton et entra.

« Belle-mère, dit-il en embrassant poliment la dame, je vous suis très-obligé pour cette visite ici. Berger, comment ça vous va-t-il ?

— Ah ! Samuel, dit Mme  Weller, ceci est épouvantable.

— Pas du tout, madame. N’est-ce pas, Berger ? » répondit Sam.

M. Stiggins leva ses mains et tourna les yeux vers le ciel, de manière à n’en plus laisser voir que le blanc, ou plutôt que le jaune ; mais il ne fit point de réponse vocale.

« Est-ce que ce gentilhomme se trouve mal ? demanda Sam à sa belle-mère.

— L’excellent homme est peiné de vous voir ici, répliqua Mme  Weller.

— Oh ! c’est-il tout ? En le voyant j’avais peur qu’il n’eût oublié de prendre du poivre avec les dernières concombres qu’il a mangées. Asseyez-vous, monsieur, les chaises ne se payent point, comme le roi remarqua à ses ministres, le jour où il voulait leur flanquer une semonce.

— Jeune homme, dit M. Stiggins avec ostentation, j’ai peur que vous ne soyez pas amendé par l’emprisonnement.

— Pardon, monsieur, qu’est-ce que vous aviez la bonté d’observer ?

— Je crains, jeune homme, que ce châtiment ne vous ait pas adouci, répéta M. Stiggins d’une voix sonore.

— Ah ! monsieur, vous êtes bien bon ; j’espère bien que je ne suis pas trop doux[1] ; je vous suis bien obligé, monsieur pour vot’ bonne opinion. »

À cet endroit de la conversation, un son, qui approchait indécemment d’un éclat de rire, se fit entendre du côté où était assis M. Weller, et sa moitié, ayant rapidement considéré le cas, crut devoir se payer graduellement une attaque de nerfs.

« Weller, s’écria-t-elle, venez ici ! (Le vieux gentleman était assis dans un coin.)

  1. Soft, veut dire doux ou sot.