Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/30

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Ici M. Perker se redressa avec un air de dignité, et fit tomber quelques grains de tabac, égarés sur son jabot.

« Que veulent-ils donc prouver par son témoignage ? demanda M. Pickwick, après deux ou trois minutes de silence.

— Que vous l’avez envoyé à la plaignante pour faire quelques affaires de compromis, je suppose. Au reste, il n’y a pas beaucoup d’inconvénient, car je ne crois pas que nos adversaires puissent tirer grand’chose de lui.

— Je ne le crois pas, dit M. Pickwick, et malgré sa vexation, il ne put s’empêcher de sourire à la pensée de voir Sam paraître comme témoin. Quelle conduite tiendrons-nous ? ajouta-t-il.

— Nous n’en avons qu’une seule à adopter, mon cher monsieur ; c’est de contre-examiner les témoins, de nous fier à l’éloquence de Snubbin, de jeter de la poudre aux yeux des juges, et de nous en rapporter au jury.

— Et si le verdict est contre moi ? »

M. Perker sourit, prit une très-longue prise de tabac, attisa le feu, leva les épaules, et garda un silence expressif.

« Vous voulez dire que dans ce cas il faudra que je paye les dommages-intérêts ? » reprit M. Pickwick, qui avait examiné avec un maintien sévère cette réponse télégraphique.

Perker donna au feu une autre secousse fort peu nécessaire, en disant : « J’en ai peur.

— Et moi, reprit M. Pickwick avec énergie, je vous annonce ici ma résolution inaltérable de ne payer aucun dommage quelconque, aucun, Perker. Pas une guinée, pas un penny de mon argent ne s’engouffrera dans les poches de Dodson et Fogg. Telle est ma détermination réfléchie, irrévocable. Et en parlant ainsi, M. Pickwick déchargea sur la table qui était auprès de lui un violent coup de poing, pour confirmer l’irrévocabilité de ses intentions.

— Très-bien, mon cher monsieur ; très-bien : vous savez mieux que personne ce que vous avez à faire.

— Sans aucun doute, reprit notre héros avec vivacité. Où demeure maître Snubbin ?

— Dans Old-Square, Lincoln’s Inn.

— Je désirerais le voir.

— Voir maître Snubbin ! mon cher monsieur, s’écria M. Perker, dans le plus grand étonnement. Poh ! Poh ! impossible ! Voir maître Snubbin ! Dieu vous bénisse, mon cher monsieur, on n’a jamais entendu parler d’une chose semblable. Cela ne