Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/312

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M. Ben Allen. M. Ben Allen sourit, mais M. Pickwick garda son sérieux.

« Il mériterait, dit ce dernier avec sévérité, il mériterait que nous buvions tout, jusqu’à la dernière goutte.

— C’est précisément ce que je pensais.

— En vérité ! Eh bien alors, à sa santé ! »

Ayant ainsi parlé, notre excellent ami donna un tendre et long baiser à la bouteille, et la passa à Benjamin. Celui-ci ne se fit pas prier pour suivre son exemple : les sourires devinrent réciproques, et le punch disparut graduellement et joyeusement.

« Après tout, dit M. Pickwick en savourant la dernière goutte, ses idées sont réellement très-plaisantes, très-amusantes en vérité !

— Sans aucun doute. » répliqua Ben. Et, pour prouver que M. Bob était un des plus joyeux compères existants, il raconta lentement et en détail, comment son ami avait tant bu une fois, qu’il y avait gagné une fièvre chaude, et qu’on avait été obligé de le raser. La relation de cet agréable incident durait encore, lorsque la chaise arrêta devant l’hôtel de la Cloche, à Berkeby-Heath, pour changer de chevaux.

« Nous allons dîner ici, n’est-ce pas ? dit Bob en fourrant sa tête à la portière.

— Dîner ! s’écria M. Pickwick. Nous n’avons encore fait que dix-neuf milles, et nous en avons quatre-vingt-sept et demi à faire.

— C’est précisément pour cela qu’il faut prendre quelque chose qui nous aide à supporter la fatigue, répliqua Bob.

— Oh ! reprit M. Pickwick en regardant sa montre, il est tout à fait impossible de dîner à onze heures et demie du matin.

— C’est juste, c’est un déjeuner qu’il nous faut. — Ohé ! monsieur ! un déjeuner pour trois, sur-le-champ, et n’attelez les chevaux que dans un quart d’heure. Faites mettre sur la table tout ce que vous avez de froid, avec quelques bouteilles d’ale, et votre meilleur madère. » Ayant donné ces ordres avec un empressement et une importance prodigieuse, M. Bob Sawyer entra immédiatement dans la maison pour en surveiller l’exécution. Il revint, en moins de cinq minutes, déclarer que tout était prêt et excellent.

La qualité du déjeuner justifia complétement les assertions du pharmacien, et ses compagnons de voyage y firent autant d’honneur que lui. Grâce à leurs efforts réunis, les bouteilles