Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/382

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défunt lord chancelier, devait se connaître mieux que lui en politesse et en bonnes manières. Elle était fort belle femme quand je l’ai connue, monsieur ; elle était veuve alors.

— Voilà qui est curieux, dit Pell, en regardant les assistants avec un douloureux sourire ; Mme Pell, aussi, était une veuve.

— C’est un fait fort extraordinaire, fit observer l’homme au teint marbré.

— Oui, c’est une singulière coïncidence, reprit Pell.

— Pas du tout reprit M. Weller d’un ton bourru, il a y plus de veuves que de filles qui se marient.

— Très-bien, très-bien, répondit Pell, vous avez tout à fait raison, monsieur Weller. Mme Pell était une femme élégante et accomplie ; ses manières faisaient l’admiration générale du voisinage. J’étais orgueilleux quand je la voyais danser. Il y avait quelque chose de si ferme, de si noble, et cependant de si naturel dans son maintien ! Sa tournure, gentlemen, était la simplicité même… Ah ! hélas ! — Permettez-moi cette question, monsieur Samuel, poursuivit l’avoué d’une voix plus basse, votre belle-mère était-elle grande ?

— Pas trop.

Mme Pell était grande ; c’était une femme superbe, d’une magnifique figure, et dont le nez, gentlemen, avait été fait pour commander. Elle m’était fort attachée, fort ! Elle avait de plus une famille distinguée : le frère de sa mère, gentlemen, avait fait une faillite de huit cents livres sterling comme Law stationer[1]

— Maintenant, interrompit M. Weller, qui s’était montré inquiet et agité pendant cette discussion, maintenant, pour parler d’affaires… »

Ces paroles furent une délicieuse musique aux oreilles de M. Pell. Il cherchait depuis longtemps à deviner s’il y avait quelque affaire à traiter, ou s’il avait été simplement invité pour prendre sa part d’un bol de punch ou de grog ; et le doute se trouvait résolu sans qu’il eût témoigné aucun empressement capable de le compromettre. Il posa son chapeau sur la table et ses yeux brillaient en disant :

« Quelle est l’affaire sur laquelle… hum ? — Y a-t-il un de ces gentlemen qui désire passer devant la cour ? Nous avons

  1. .Papetier qui se charge de faire faire des copies d’actes et vend des quittances de loyer, etc., etc.