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Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/43

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— Non, répondit le nouveau venu d’un air d’indifférence, j’imagine plutôt qu’il en mourra ; mais il y aura une belle opération demain ; quel spectacle magnifique si c’est Slasher qui opère !

— Vous regardez donc M. Slasher comme un bon opérateur ?

— Le meilleur qui existe assurément. La semaine dernière, il a désarticulé la jambe d’un enfant, qui a mangé cinq pommes et un morceau de pain d’épice pendant l’opération. Mais ce n’est pas tout ; deux minutes après, le moutard a déclaré qu’il ne voulait pas rester là pour le roi de Prusse, et qu’il le dirait à sa mère si on ne commençait pas.

— Vous m’étonnez, s’écria M. Pickwick.

— Bah ! cela n’est rien ; n’est-il pas vrai, Bob ?

— Rien du tout, répliqua M. Sawyer.

— À propos, Bob, reprit Hopkins en jetant vers le visage attentif de M. Pickwick un coup d’œil à peine perceptible, nous avons eu un curieux accident la nuit dernière. On nous a amené un enfant qui avait avalé un collier.

— Avalé quoi, monsieur ? interrompit M. Pickwick.

— Un collier. Non pas tout à la fois, cela serait trop fort ; vous ne pourriez pas avaler cela, n’est-ce pas ? Hein ! monsieur Pickwick. Ha ! ha ! ha ! »

Ici M. Hopkins éclata de rire, enchanté de sa propre plaisanterie, puis il continua :

« Non, mais voici la chose. Les parents du bambin sont très-pauvres ; la sœur aînée achète un collier, un collier commun, des grosses boules de bois noir. L’enfant, qui aime beaucoup les joujoux, escamote le collier, le cache, joue avec, coupe le fil et avale une boule. Il trouve que c’est une fameuse farce ; il recommence le lendemain et avale une autre boule…

— Juste ciel ! interrompit M. Pickwick, quelle épouvantable chose ! Mais je vous demande pardon, monsieur ; continuez.

— Le lendemain, l’enfant avale deux boules. Le surlendemain, il se régale de trois, et ainsi de suite, si bien qu’en une semaine il avait expédié tout le collier, vingt-cinq boules en tout. La sœur, qui est une jeune fille économe, et qui ne dépense guère d’argent en parure, se dessèche les lacrymales à force de pleurer son collier ; elle le cherche partout, mais je n’ai pas besoin de vous dire qu’elle ne le trouve nulle part.