Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/67

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silencieuse, attendant avec une certaine anxiété la reprise de ses travaux ordinaires.

« Frère, dit M. Humm avec un sourire engageant, voulez-vous édifier l’assemblée ?

— Non, » répliqua M. Stiggins.

L’assemblée leva les yeux au ciel et un murmure d’étonnement parcourut la salle.

« Monsieur, dit M. Stiggins, en déboutonnant son habit, et en parlant très-haut ; j’ai dans l’opinion que cette assemblée s’est honteusement soûlée. — Frère Tadger, continua-t-il avec une férocité croissante, et en se tournant brusquement vers le petit homme chauve ; vous êtes soûl, monsieur. »

En disant ces mots, M. Stiggins dans le louable dessein d’encourager la sobriété de l’assemblée, et d’en exclure toute personne indigne, lança sur le nez de frère Tadger un coup de poing, si bien appliqué, que le petit secrétaire disparut en un clin d’œil. Il avait été précipité la tête première en bas de l’échelle.

À ce mouvement oratoire, les femmes poussèrent des cris déchirants, et se précipitant par petits groupes autour de leurs frères favoris, les entourèrent de leurs bras pour les préserver du danger. Cette preuve d’affection touchante devint presque fatale au frère Humm, car il était extrêmement populaire, et il s’en fallut de peu qu’il ne fût étouffé par la foule des séides femelles qui se pendirent à son cou, et l’accablèrent de leurs caresses. La plus grande partie des lumières furent promptement éteintes, et l’on n’entendit plus, de toutes parts, qu’un tumulte épouvantable.

« Maintenant, Sammy, dit M. Weller en ôtant sa redingote d’un air délibéré, allez-vous-en me chercher un watchman.

— Et qu’est-ce donc que vous allez faire, en attendant ?

— Ne vous inquiétez pas de moi, Sammy ; je vas m’occuper à régler un petit compte avec ce Stiggins ici. »

Ayant ainsi parlé, et avant que Sam pût le retenir, l’héroïque vieillard pénétra dans le coin de la chambre où se trouvait le révérend M. Stiggins, et l’attaqua avec une admirable dextérité.

« Venez-vous-en, dit Sam.

— Avancez donc ! » s’écria M. Weller, et sans autre avertissement, il administra au révérend M. Stiggins une tape sur la tête, puis se mit à danser autour de lui, avec une légèreté parfaitement admirable chez un gentleman de cet âge.