Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/110

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« Vous pardonner quoi ?… dit Nelly qui le retint vivement Oh ! grand-papa, qu’ai-je à vous pardonner, moi ?

— Tout ce qui a eu lieu, tout ce qui t’est arrivé à toi, Nell tout ce qui s’est accompli pendant ce malheureux rêve !

— Ne dites pas cela, je vous en prie. Parlons d’autre chose.

— Oui, oui, dit-il, parlons d’autre chose… Parlons de ce dont nous parlions il y a longtemps, il y a des mois… Étaient-ce des mois, des semaines ou des jours, dis-moi, Nell ?

— Je ne vous comprends pas.

— Cela m’est revenu aujourd’hui… Cela m’est revenu depuis que nous sommes assis à cette place Je te remercie, ma Nell !…

— De quoi, mon cher grand-papa ?

— De ce que tu as dit d’abord que nous deviendrions mendiants. Parlons bas. Attention ! car si les gens d’en bas connaissaient notre projet, ils crieraient que je suis fou et ils te sépareraient de moi. Ne restons pas ici un jour de plus. Allons loin d’ici, loin d’ici !

— Oui, allons ! dit l’enfant avec chaleur. Quittons cette maison, pour n’y plus revenir et pour n’y plus penser. Errons nu-pieds à travers le monde plutôt que de demeurer ici.

— Mon enfant, dit le vieillard, nous irons à pied à travers champs et bois, le long des rivières, nous confiant à la garde de Dieu dans les lieux où il règne. Il vaut mieux, la nuit, coucher sur la terre, en face du ciel ouvert, que là où nous sommes, et contempler l’immensité radieuse de l’horizon, que de vivre dans des chambres étroites, toujours pleines de soucis et de tristes rêves. Ô ma Nell ! nous serons unis et heureux encore, et nous apprendrons à oublier le passé comme s’il n’avait jamais existé.

— Nous serons heureux ! s’écria l’enfant. Nous ne serons plus ici !

— Non, nous n’y serons plus jamais, jamais ; c’est la vérité. Partons furtivement demain matin, de bonne heure, et bien doucement, afin de n’être ni vus ni entendus ; qu’aucun indice ne puisse les mettre sur notre trace. Pauvre Nell ! ta joue est pâle, tes yeux sont humides de larmes et gros de sommeil, car tu veilles et tu pleures pour moi, je le sais, pour moi. Mais tu seras heureuse encore, joyeuse encore, quand nous serons loin d’ici. Demain matin, ma chérie nous nous détournerons de ce