Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/157

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foyer et remplissait la large cheminée d’un ronflement agréable à entendre, auquel se joignait le bouillonnement, non moins doux aux oreilles, d’une large chaudière de fonte. Une vive et rouge lueur était répandue dans la cuisine ; et, quand l’aubergiste remua le feu pour faire jaillir la flamme, quand il souleva le couvercle de la chaudière d’où s’échappa un fumet odorant, tandis que le bouillonnement du liquide devenait plus vif et qu’une onctueuse vapeur, un nuage délicieux flottait au-dessus de leurs têtes, M. Codlin sentit son cœur profondément touché. Il s’assit au coin de la cheminée et sourit.

M. Codlin continuait de sourire dans son coin de cheminée, en voyant l’aubergiste tenir le couvercle avec un air d’importance : car notre homme, sous prétexte de découvrir la marmite pour donner ses soins au souper, n’était pas fâché d’envoyer la délicieuse vapeur chatouiller agréablement les narines de son hôte. L’ardeur du feu se reflétait sur la tête chauve de l’aubergiste, dans ses yeux brillants, sur sa bouche humide, sur sa face bourgeonnée, grasse et ronde. M. Codlin passa sa manche sur ses lèvres, et demanda :

« Qu’est-ce que c’est ?

— C’est un ragoût de tripes, répondit l’aubergiste en faisant claquer ses lèvres, avec un talon de vache (il fait encore claquer ses lèvres), du lard (il recommence le même exercice), du bifteck (il continue), des pois, des choux-fleurs, des pommes de terre nouvelles et des asperges ; tout cela cuit ensemble dans un excellent jus de viande. »

Arrivé au bout de son rouleau, il fit claquer de nouveau ses lèvres ; puis, aspirant avec délices l’odeur qui s’était répandue, il remit le couvercle de l’air d’un homme qui n’a plus qu’à se reposer après avoir accompli une œuvre si parfaite.

« À quelle heure le ragoût sera-t-il prêt ? demanda doucement M. Codlin.

— Dans une heure, répondit l’aubergiste en consultant du regard l’horloge qui, avec son vernis éclatant sur son large cadran blanc, était bien digne de figurer aux Jolly-Sandboys ; le souper sera prêt à onze heures vingt-deux minutes.

— Eh bien, dit M. Codlin, apportez-moi une pinte d’ale chaude, et qu’on ne me serve plus rien, pas même un biscuit, avant qu’il soit l’heure de dire deux mots au souper. »

Témoignant par un signe de tête qu’il approuvait cette réso-