Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/197

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Comme le nain ne tenait aucun compte de cette adjuration, M. Swiveller s’avança contre lui avec l’intention de lui infliger un châtiment proportionné au méfait. Mais oubliant tout à coup son dessein ou changeant d’idée avant d’arriver jusqu’à Quilp, il lui prit la main et lui jura une éternelle amitié, déclarant avec une agréable franchise qu’à partir de ce jour ils étaient frères, sauf la ressemblance. Alors il confia au nain son secret tout entier, en trouvant moyen d’être pathétique au sujet de miss Wackles. Cette jeune personne, donna-t-il à entendre à M. Quilp, cause le léger embarras que mon langage trahit en ce moment ; ce trouble ne doit être attribué qu’à la force de l’affection et non au vin rosé, ou à toute autre liqueur fermentée.

Quilp et Richard s’en allèrent, bras dessus, bras dessous, comme une véritable paire d’amis.

« Je suis, dit Quilp en le quittant, aussi pénétrant qu’un furet et aussi fin qu’une belette. Amenez-moi Trent ; assurez-le que je suis son ami, quoique j’aie lieu de craindre qu’il ne se méfie un peu de moi, — j’ignore pourquoi ; je sais seulement que je n’ai rien fait pour cela, — et votre fortune à tous deux est faite… en perspective.

— Voilà le diable, répliqua Dick. Ces fortunes en perspective ont toujours l’air d’être si loin !

— Oui, mais aussi elles paraissent de loin plus petites qu’elles ne le sont réellement, répliqua Quilp en pressant le bras de son compagnon. Vous ne sauriez vous faire une idée de la valeur de votre prise avant de l’avoir entre les mains, voyez-vous.

— Vous croyez cela ?

— Si je le crois ! dites que j’en suis certain. Amenez-moi Trent. Dites-lui que je suis son ami, le vôtre ; comment ne le serais-je pas ?

— Il n’y a pas de raison, certainement, pour que vous ne le soyez pas, répondit Richard, et peut-être, au contraire, y en a-t-il beaucoup pour que vous le soyez. Du moins, il n’y aurait rien d’étrange dans votre désir d’être mon ami si vous étiez un esprit distingué, mais vous savez bien vous-même que vous n’êtes point un esprit distingué.

— Je ne suis pas un esprit distingué ! s’écria le nain.

— Du diable si vous l’êtes ! répliqua Richard. Un homme de votre tournure ne peut pas l’être. En fait d’esprit, mon cher monsieur, vous ne pouvez être qu’un esprit malin. Les esprits