Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/216

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maître se promenait de long en large. La classe était moins bruyante. Le maître s’approchait pour regarder par-dessus l’épaule de celui qui écrivait, en lui disant avec douceur de remarquer comme les lettres étaient formées sur les modèles placardés le long du mur. Il lui en faisait admirer les pleins et les déliés, en lui recommandant de chercher à les imiter. Il interrompait ensuite la leçon pour leur répéter ce que l’enfant malade avait dit la nuit précédente et combien il regrettait de n’être pas encore avec eux. Il y avait dans le ton et les paroles du pauvre maître d’école tant de bonté et de tendresse, que les jeunes garçons parurent éprouver du remords de l’avoir ainsi tourmenté, et rentrèrent dans l’ordre le plus absolu ; durant deux minutes au moins, on ne mangea plus de pommes, on n’écrivit plus son nom au couteau, on ne se pinça plus, on ne fit plus de grimaces.

« Je pense, mes amis, dit le maître d’école quand l’horloge sonna midi, que je vous donnerai aujourd’hui, par extraordinaire, demi-congé. »

À cette nouvelle, les écoliers, le grand garçon en tête, poussèrent des clameurs d’enthousiasme au milieu desquelles on vit le maître remuer les lèvres, mais sans parvenir à se faire entendre. Cependant, comme il agitait la main pour réclamer le silence, les élèves eurent assez de docilité pour se taire, aussitôt que les poumons les plus vigoureux de la troupe n’en purent plus à force de crier.

« Promettez-moi d’abord, dit le maître, de n’être pas trop bruyants, ou bien, si vous voulez faire du bruit, de vous en aller bien loin, hors du village s’entend. Je suis sûr que vous ne voudriez pas casser la tête à votre ancien et fidèle camarade. »

Ici s’éleva un murmure général, sans doute très-sincère, car ce n’étaient encore que des enfants, pour protester contre toute idée de troubler le repos du camarade. Le grand garçon, probablement avec autant de sincérité naïve que tous les autres, prit ses voisins à témoin que, s’il avait crié, il avait crié tout bas.

« N’oubliez donc pas mes recommandations, dit le maître ; mes chers amis, c’est une faveur que je vous demande personnellement. Amusez-vous autant que vous pourrez, mais souvenez-vous que tout le monde n’a pas le bonheur d’être aussi bien portant que vous. Allons ! adieu.

— Merci, monsieur, — adieu, monsieur, » ces mots furent