Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/239

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parties de sa toilette, après avoir fait bien des efforts inouïs, mais infructueux, pour se voir par derrière, finit par se montrer satisfaite de sa tournure et s’éloigna d’un pas majestueux.

La caravane la suivit à une assez courte distance. Tandis que la voiture était cahotée par le pavé, Nelly regardait à travers la fenêtre pour voir les endroits où l’on passait, craignant, à chaque coin de rue, que le visage redouté de Quilp ne vînt à lui apparaître.

La ville était belle et spacieuse ; il y avait un square ouvert que la caravane traversa lentement ; au milieu, se trouvait l’hôtel de ville, avec un beffroi surmonté d’une girouette. Il y avait des maisons de pierre, des maisons de brique rouge, des maisons de brique jaune, des maisons de lattes et de plâtre, et des maisons de bois, la plupart très-vieilles, avec des figures frustes taillées au bout des solives, qui regardaient d’en haut ce qui se passait dans la rue. Ces dernières maisons avaient de très-petites fenêtres presque sans lumière et des portes cintrées, et, dans les rues les plus étroites, elles surplombaient entièrement le trottoir. Les rues étaient très-propres, très-claires, très-désertes et très-tristes. Quelques flâneurs stationnaient auprès des deux auberges de la place vide du marché et des boutiques ; au seuil d’une maison de charité, des vieillards sommeillaient dans leur fauteuil ; mais c’est à peine s’il y avait quelques personnes qu’on vît aller de côté et d’autre avec l’air d’avoir un but ; et si par hasard il en passait une, le bruit de ses pas se prolongeait encore quelques minutes après sur le bitume bouillant du trottoir. Il semblait qu’il n’y eût dans la ville que les horloges qui allassent : et encore elles avaient des cadrans si endormis, de lourdes aiguilles si paresseuses, des timbres si fêlés, qu’elles devaient évidemment être en retard. Les chiens eux-mêmes étaient tout assoupis, et les mouches, ivres de sucre fondu dans les boutiques des épiciers, oubliaient leurs ailes et leur vivacité pour aller se calciner au soleil, dans le coin de la vitre poudreuse des croisées.

Après un long trajet, accompagné d’un bruit inaccoutumé, la caravane arriva enfin et s’arrêta au lieu de l’exposition. Nelly descendit devant un groupe d’enfants ébahis qui la prenaient aussi pour un des nombreux items du musée de curiosités, et on aurait eu bien de la peine à leur faire entendre que son grand-père ne fût pas comme elle un chef-d’œuvre de mécanique en cire.