Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/275

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qu’elle sentit de la joie en son cœur pour les avoir rencontrées, et qu’elle éprouva de la tristesse à la pensée qu’elles seraient bientôt forcées de se séparer ? Gardons-nous de croire que cette sympathie eût été éveillée par aucune idée personnelle et que Nelly, à son insu, se fût reportée au souvenir de ses propres peines : mais, bien plutôt remercions Dieu de ce que les innocentes joies d’autrui peuvent nous émouvoir fortement, et de ce que même dans notre nature déchue il y a une source d’émotion pure qui doit être estimée dans le ciel !

À la brillante clarté du matin, mais plus souvent à la douce lueur du soir, Nelly, respectant les courtes et heureuses entrevues des deux sœurs, trop courtes pour lui permettre de s’approcher et de risquer un mot de remerciaient, bien qu’elle en brûlât d’envie, Nelly les suivait à quelque distance dans leurs promenades au hasard, s’arrêtant lorsqu’elles s’arrêtaient, s’asseyant sur le gazon quand elles s’asseyaient, se levant quand elles se levaient, et trouvant une compagnie et un véritable charme à se sentir si près d’elles.

Leur promenade du soir avait lieu habituellement au bord d’une rivière. Là aussi, chaque soir, venait Nelly, sans que les deux sœurs pensassent à elle, sans qu’elles l’aperçussent. Mais il lui semblait que c’étaient ses amies, ses confidentes, et qu’avec elles son fardeau était devenu plus léger, plus facile à porter ; qu’elle pouvait unir ses chagrins aux leurs, et que toutes trois se donnaient une consolation mutuelle. Sans doute, c’était une faiblesse d’imagination, la pensée enfantine d’une jeune fille solitaire ; mais les soirs succédaient aux soirs, et les deux sœurs venaient toujours au même lieu, et Nelly les y suivait toujours avec un cœur attendri et soulagé.

Un soir, au retour, elle fut effrayée d’apprendre que Mme Jarley avait donné l’ordre d’annoncer que la magnifique collection n’avait plus à rester qu’un seul jour dans la ville. En conséquence de cette menace, car toutes les annonces relatives aux plaisirs du public sont connues pour être d’une exactitude irrévocable, l’exhibition devait être close le lendemain.

« Nous allons donc partir immédiatement, madame ? demanda Nelly.

— Regardez ceci, mon enfant, répondit Mme Jarley. Voilà la réponse à votre question. »

En parlant ainsi, Mme Jarley lui montra un autre tableau sur