Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/313

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par la raison qu’il valait toujours mieux regarder Polichinelle ou quoi que ce fût par la fenêtre que de rester à travailler, et, comme pour ce motif il avait pris la peine d’éveiller chez son collègue de l’étude le sentiment des beautés de Polichinelle et de ses nombreux mérites, miss Sally et lui se levèrent et allèrent d’un commun accord se mettre à la croisée, au-dessous de laquelle s’étaient installés du mieux possible un certain nombre de demoiselles et de jeunes messieurs, chargés de soigner des marmots et qui se faisaient un devoir de ne pas manquer avec leurs jeunes nourrissons les représentations de ce genre.

Comme les vitres étaient sales, M. Swiveller, fidèle à une habitude amicale qui s’était formée entre lui et miss Brass, détacha l’écharpe brune de la tête de Sally, et s’en servit pour enlever soigneusement la poussière. Puis il la lui rendit, et la belle personne la remit sur sa tête avec un calme admirable et une indifférence parfaite. Pendant ce temps, le locataire était revenu ayant sur ses talons le théâtre, les artistes, et un bon surcroît de spectateurs. Celui qui montrait les marionnettes disparut à la hâte sous la toile, tandis que son compagnon, debout à l’un des côtés du théâtre, examinait l’auditoire avec une expression remarquable de tristesse. Cette tristesse parut plus remarquable encore lorsqu’il joua un air de bourrée écossaise sur ce doux instrument musical qu’on appelle vulgairement flûte de Pan, toujours avec la même mélancolie dans les yeux et sur le front, au milieu des contorsions nécessairement très-animées qui mettaient en mouvement ses lèvres, son menton et ses mâchoires.

Le drame tirait à sa fin et tenait enchaînée, comme à l’ordinaire, l’attention des spectateurs. La sensation qui détend les grandes assemblées lorsqu’elles respirent enfin d’un spectacle émouvant, saisissant, pour reprendre l’usage de la parole et le mouvement, permettait à peine à l’auditoire de se reconnaître quand le locataire invita, selon son usage, les directeurs des marionnettes à monter chez lui.

« Tous les deux ! cria-t-il de sa croisée en voyant qu’un seul, celui qui faisait mouvoir les figures, un gros petit homme, se disposait à obéir à cet appel. J’ai besoin de vous parler. Montez tous deux.

— Venez, Tommy, dit le petit homme.