Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/110

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laquelle il avait songé souvent et qui lui offrait, partout où il voudrait la mener, une douce indépendance de tous devoirs conjugaux et un bon moyen pour tenir mistress Quilp et sa mère dans un état continuel d’agitation et d’alarme, il s’occupa d’arranger sa retraite et de se la rendre commode et agréable.

Dans cette pensée, il se rendit à un marché voisin où l’on vendait des équipements maritimes ; il acheta un hamac d’occasion qu’il accrocha, comme l’eût fait un marin, au plafond du comptoir. Il fit placer aussi dans cette cabine moisie un vieux poêle de navire, avec un tuyau rouillé qui était destiné à conduire la fumée hors du toit ; et lorsqu’enfin toutes ces dispositions furent terminées, il contempla cet aménagement avec un ineffable plaisir.

« Je me suis fait une habitation rustique, comme Robinson Crusoé, dit-il en lorgnant son œuvre ; j’ai choisi un lieu solitaire, retiré, espèce d’île déserte où je pourrai être en quelque sorte seul quand j’en aurai besoin, et à l’abri des yeux et des oreilles de tout espion. Personne près de moi, si ce n’est des rats, et les rats sont de bons compagnons, bien discrets. Je vais être au milieu de ce monde-là aussi heureux que le poisson dans l’eau. Pourtant je vais voir si je ne trouve pas un rat qui ressemble à Christophe, celui-là je l’empoisonnerai. Ah ! ah ! ah ! Mais songeons à nos affaires… les affaires !… Il ne faut pas que le plaisir fasse oublier les affaires, et voilà déjà la matinée avancée !… »

Il ordonna ensuite à Tom Scott d’attendre son retour et de ne point s’amuser à se tenir sur la tête, ou à faire des culbutes, ou à marcher sur les mains, sous peine de recevoir une ample correction ; puis il se jeta dans un bateau et traversa le fleuve. Arrivé à l’autre bord, il gagna à pied la maison de Bewis Marks, où M. Swiveller faisait son agréable résidence. Ce gentleman était justement seul à dîner dans son étude poudreuse.

« Dick, dit le nain en montrant sa tête à la porte, mon agneau, mon élève, la prunelle de mes yeux, holà ! hé !

— Tiens, c’est vous ? répondit M. Swiveller. Comment allez-vous ?

— Et comment va Richard ? comment va cette crème des clercs ?

— Une crème bien sure, monsieur, et qui commence à tourner à l’aigre.

— Qu’est-ce que c’est ? dit le nain en s’avançant. Sally aurait-