Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/116

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ment vous m’attendrez le moins, et vous tenant dans un état continuel d’inquiétude et d’irritation. Voulez-vous bien sortir ?… »

Mistress Quilp n’osa que faire un geste de supplication.

« Je vous dis que non, reprit le nain. Non ! si vous vous permettez de venir ici de nouveau, à moins que ce ne soit sur mon invitation, je lâcherai dans mon terrain des chiens de garde qui hurleront après vous et vous mordront. Je dresserai des chausse-trappes adroitement dissimulées, des pièges à femmes. Je sèmerai des pièces d’artifice qui feront explosion quand vous poserez le pied sur les mèches et qui vous feront sauter en mille petits morceaux. Voulez-vous bien sortir ?…

— Pardonnez-moi. Revenez à la maison, dit la jeune femme d’un accent pénétré.

— Non-on-on-on-on ! hurla Quilp. Non, pas avant que ce soit mon bon plaisir ; et alors je reviendrai aussi souvent que cela me conviendra, et je ne rendrai compte à personne de mes allées et venues. Vous voyez la porte ?… Voulez-vous bien sortir ! »

Ce dernier ordre, M. Quilp le prononça d’une voix si énergique et, en outre, il l’accompagna d’un geste si violent qui marquait son intention de s’élancer hors de son hamac, et, tout coiffé de nuit qu’il était, de reconduire sa femme chez elle à travers les rues, qu’elle s’enfuit rapide comme une flèche. Son digne seigneur et maître tendit le cou et les yeux jusqu’à ce qu’elle eût franchi le terrain du débarcadère ; et alors, charmé d’avoir eu cette occasion d’établir son droit et de poser en fait l’inviolabilité de son manoir, il partit d’un immense éclat de rire, puis s’abandonna derechef au sommeil.






CHAPITRE XIV.


L’aimable et joyeux propriétaire du palais de garçon dormit au milieu de sa société favorite, à savoir : la pluie, la boue, la saleté, l’humidité, le brouillard et les rats, jusqu’à une heure assez avancée du jour. Appelant alors son valet de chambre, M. Tom Scott, et lui ayant ordonné de l’aider à se lever et de