Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme dans ses méditations, et jamais cependant il ne toucha un seul mot du sujet qu’il savait lui avoir fait de la peine, bien qu’il ne se rendît pas compte de la cause de ce chagrin. Il y avait encore en lui un certain sentiment de défiance : souvent, en effet, il venait même dans les soirées sombres, et d’une voix timide, s’informer, à travers la porte, si Nelly allait bien : quand on lui répondait que oui et qu’on l’invitait à entrer, il s’asseyait aux pieds de Nelly sur un petit tabouret et restait ainsi patiemment jusqu’à ce qu’on vint le chercher pour le ramener chez lui. Dès le matin, il ne manquait pas de rôder autour de la maison pour demander des nouvelles de Nelly ; et soit le matin, soit dans la journée, soit enfin dans la soirée, il laissait là le jeu et ses compagnons de plaisir pour la suivre partout où elle allait.

Une fois le vieux fossoyeur dit à Nelly :

« C’est un bon petit garçon, tout de même. Quand son frère aîné mourut, … frère aîné, c’est cela qui est drôle, un frère aîné de sept ans, je me rappelle qu’il en fut frappé jusqu’au fond du cœur. »

Nelly songea à ce que le maître d’école lui avait dit de l’oubli où tombaient les morts, et elle jugea que son petit ami donnait un démenti à ce préjugé.

« Quoique ça, je pense qu’il s’est remis l’esprit en repos ; car il est assez gai parfois. Je parierais bien que vous et lui vous avez été écouter le vieux puits.

— Vraiment non, répliqua Nelly. J’aurais eu trop peur d’aller auprès… Je ne vais pas souvent dans cette partie basse de l’église ; je ne connais même pas l’endroit.

— Venez-y avec moi, dit le fossoyeur. Je n’étais encore qu’un enfant que je le connaissais déjà. Venez ! … »

Ils descendirent les marches étroites qui menaient à la crypte et s’arrêtèrent parmi les arcades sombres, dans un endroit plein de ténèbres et de tristesse.

« C’est ici, dit le vieillard. Donnez-moi la main pendant que vous relèverez le couvercle, de peur que vous ne veniez à trébucher et à tomber dans le puits. Je suis trop vieux et trop chargé de rhumatismes pour pouvoir me pencher moi-même.

— Est-ce noir et effrayant ! … s’écria l’enfant.

— Regardez au fond, » dit le vieillard en montrant du doigt l’orifice du puits.

L’enfant obéit et plongea son regard dans l’abîme.