Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/178

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fixés au plafond, sortant du lit à moitié pour mieux lire son cahier de musique, joua vingt fois de suite cet air infortuné, ne s’arrêtant guère qu’une ou deux minutes pour respirer et faire des monologues sur le compte de la marquise ; après quoi, il recommençait à jouer avec un redoublement de vigueur. Ce ne fut qu’après avoir épuisé ses divers sujets de méditation, et avoir soufflé dans sa flûte jusqu’à la lie l’essence de la bière à l’absinthe ; ce ne fut qu’après avoir mis la tête à l’envers à tous les gens de la maison et des maisons voisines, peut-être de toute la rue, qu’il ferma son cahier, éteignit sa chandelle, et, se trouvant enfin l’esprit dispos et soulagé, se tourna contre le mur et s’endormit.

Le matin, au réveil, son moral était parfaitement rétabli. Il prit encore une demi-heure d’exercice sur sa flûte. Après avoir gracieusement reçu congé de la maîtresse de la maison, qui, pour lui intimer l’ordre de déguerpir, l’attendait sur l’escalier depuis le point du jour, il se rendit à Bevis-Marks. Là, la belle Sally était déjà à son poste, et son visage offrait le doux rayonnement qui brille au front de la chaste Diane.

M. Swiveller lui adressa un signe de tête et échangea son habit contre sa veste aquatique, ce qui lui prenait un certain temps, car les manches en étaient si justes, que c’était toujours une opération difficile et laborieuse. Cette difficulté vaincue, Richard s’assit devant le pupitre, à sa place accoutumée.

Miss Brass rompit brusquement le silence.

« N’avez-vous pas trouvé ce matin un porte-crayon en argent, dites ?

— J’en ai peu rencontré dans la rue, répondit M. Swiveller. J’en ai vu un cependant, un gros porte-crayon, d’air très-respectable ; mais, comme il était en compagnie d’un vieux canif et d’un jeune cure-dent, avec lesquels il paraissait en conversation réglée, je me serais fait conscience de le déranger.

— Voyons ! pas de bêtise, avez-vous notre porte-crayon ? répliqua miss Brass sérieusement ; oui ou non ?

— Il faut donc que vous soyez enragée pour m’adresser sérieusement une pareille question ? s’écria M. Swiveller. Est-ce que vous ne voyez pas que je ne fais que d’arriver ?

— À la bonne heure ; mais tout ce que je sais, dit-elle, c’est qu’on ne peut pas le retrouver, et qu’il a disparu, cette semaine un jour où je l’avais laissé sur ce pupitre.