Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/186

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sa poche sa boite d’étain, tout en continuant de contempler son frère avec un sang-froid parfait.

« Aujourd’hui encore il vient de garder l’étude, répéta Brass d’un ton triomphant ; je lui ai donné cette nouvelle preuve de ma confiance, et je ne m’en tiendrai pas là. Eh bien ! où donc est le ?…

— Qu’avez-vous perdu ? demanda M. Swiveller.

— Ô ciel !…, s’écria Brass, tâtant toutes ses poches l’une après l’autre, regardant dans le pupitre, dessus, dessous, et bouleversant d’une main fébrile les papiers voisins ; le billet, monsieur Richard ! le billet de banque de cinq livres, qu’est-il devenu ? Je l’avais laissé ici… Dieu me pardonne !

— Allons !… s’écria à son tour miss Sally, tressaillant, frappant ses mains et semant les papiers sur le plancher. Disparu !… Qui est-ce qui avait raison ?… Qui est-ce qui l’a pris ?… Ce n’est pas pour les cinq livres !… Qu’est-ce que c’est que cela, cinq livres ?… Mais ce garçon est honnête, vous savez, très-honnête. Ce serait une indignité de le soupçonner. Ne courez pas après lui. Non, non, pour rien au monde !…

— Sur ma parole, monsieur Richard, répliqua le procureur, qui n’avait cessé de fouiller ses poches avec tous les signes de la plus vive agitation, je crains que ce ne soit une vilaine affaire. Certainement le billet de banque a disparu, monsieur ; que faut-il faire ?

— Ne courez pas après lui, dit miss Sally, se bourrant de plus en plus le nez de tabac. Non, non, gardez-vous-en bien. Laissez-lui le temps de se débarrasser du billet. Ce serait trop cruel de le surprendre en flagrant délit ! »

M. Swiveller et Sampson Brass se regardèrent mutuellement après avoir regardé miss Brass ; l’un et l’autre étaient bouleversés. Soudain, par une même impulsion, ils saisirent leurs chapeaux et s’élancèrent dans la rue dont ils prirent le milieu, renversant tout sur leur passage, comme s’ils couraient pour échapper à la mort.

Or, justement Kit avait couru aussi, bien qu’un peu moins vite, et comme il était parti depuis quelques minutes, il avait sur eux une assez grande avance. Cependant, comme ils connaissaient bien son itinéraire, du train dont ils allaient, ils l’eurent bientôt rattrapé, au moment où, il venait de reprendre haleine pour recommencer à courir.