Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/226

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la sonnette. Voilà qu’elle appelle deux mille esclaves noirs portant sur leur tête des jarres pleines de joyaux. »

Elle avait frappé des mains, mais c’était de joie : car aussitôt elle commença à rire, puis elle se mit à pleurer, déclarant, non pas en beaux termes arabes, mais tout simplement en anglais familier, qu’elle était si heureuse qu’elle ne savait plus où elle en était :

« Marquise, dit Richard devenu pensif, veuillez, je vous prie, vous approcher. Avant tout, ayez la bonté de m’apprendre où je pourrai retrouver ma voix ; puis, ce qu’est devenue ma chair ? »

La marquise se contenta de secouer tristement la tête, et elle pleura de nouveau ; là-dessus, M. Swiveller, qui était très-faible, sentit ses yeux mouillés aussi.

« Je commence à croire, d’après votre attitude et aussi d’après tout ce que je vois, marquise, dit Richard après une pause et en souriant d’une lèvre tremblante, que j’ai été malade.

— Si vous l’avez été !… répondit la petite servante en s’essuyant les yeux. Et comme vous avez eu le délire !

— Oh ! marquise… j’ai donc été bien malade ?

— En danger de mort. Je n’espérais pas que vous guérissiez. Dieu soit loué ! vous voilà guéri ! »

Swiveller resta longtemps silencieux. Puis, il commença à parler et demanda combien de jours avait duré sa maladie.

« Il y aura demain trois semaines, répondit la petite servante.

— Trois… quoi ?

— Semaines ! reprit la marquise enflant sa voix ; trois longues et lentes semaines. »

La simple pensée d’avoir été réduit à une telle extrémité fit retomber Richard dans un nouveau silence. Il s’étendit sur le dos tout de son long. La marquise, ayant arrangé ses draps pour qu’il fût mieux couché et trouvant qu’il avait les mains et le front moins brûlants, découverte qui la remplit de joie, en pleura un peu plus fort, et se mit alors en devoir de préparer le thé et de faire griller des rôties bien minces.

Pendant ce temps, Swiveller la contemplait avec reconnaissance, étonné de voir comme elle s’était complètement identifiée au ménage, et faisait remonter l’origine de ces soins à Sally Brass, que dans le fond de sa pensée il ne pouvait assez remer-