Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre les yeux aussi rouges que l’étaient ceux de la jeune fille : mais celle-ci coupa net à l’émotion en forçant Richard à s’étendre dans son lit et le pressant de se tenir en repos.

« Le docteur, dit-elle, a recommandé que vous soyez bien tranquille, et qu’on ne vous fasse pas de bruit. Allons, faites un somme ; nous causerons ensuite. Je resterai assise auprès de vous. Fermez vos yeux, vous vous endormirez peut-être. Cela vous fera du bien, essayez. »

La marquise tira alors une petite table contre le lit, s’assit auprès, et avec l’adresse d’une vingtaine de pharmaciens se mit en devoir de préparer des boissons rafraîchissantes. Quant à Richard, fatigué comme il l’était, il ne tarda pas à s’endormir. Au bout de quelque temps il se réveilla et demanda quelle heure il était.

« Juste six heures et demie, » répondit la marquise en l’aidant à se remettre sur son séant.

Richard appuya la main sur son front et se tourna tout à coup, comme s’il venait de lui passer une idée subite par la tête.

« Marquise, dit-il, qu’est devenu Kit ?

— Il a été condamné à je ne sais combien d’années de déportation.

— Est-il parti ?… et sa mère ?… que fait-elle ?… qu’est-elle devenue ? »

La petite garde-malade secoua la tête et répondit qu’elle n’en savait rien du tout.

« Mais, ajouta-t-elle, si vous vouliez me promettre de rester tranquille, et de ne pas vous donner encore une rechute, je vous conterais… Mais non, pas à présent.

— Si, si, contez toujours… cela me distraira.

— Oh ! non, je suis sûre du contraire, répondit la petite servante, d’un air effaré. Attendez que vous soyez mieux portant, et alors je vous raconterai tout. »

Dick attacha sur sa petite amie un regard pressant. Ses yeux agrandis et creusés par la maladie prirent une expression telle, que la jeune fille en fut épouvantée ; elle le supplia de ne plus songer à cela. Mais le peu de mots qu’elle avait prononcés n’avaient pas seulement piqué la curiosité de Richard ; ils avaient fait naître en lui de sérieuses inquiétudes. Aussi la pressa-t-il de tout lui dire, quelque fâcheuses que pussent être les nouvelles.