Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/237

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Il se retourna vivement et, arrêtant le poney, s’écria avec une certaine émotion :

« Mon Dieu ! qu’est-ce que c’est que ça ?

— N’ayez pas peur, monsieur, répondit la messagère encore haletante. Oh ! j’ai tant couru après vous !

— Que voulez-vous ? dit M. Abel. Comment êtes-vous là ?

— Je suis montée par derrière, répondit la marquise. Oh ! je vous en prie, conduisez-moi, monsieur… sans vous arrêter… vers la Cité. Oh ! je vous en prie, hâtez-vous… C’est une affaire importante. Il y a là quelqu’un qui désire vous voir. Il m’a envoyée vous demander de venir tout de suite, parce qu’il sait toute l’affaire de Kit, et qu’il peut le sauver encore en prouvant son innocence ! …

— Que me dites-vous là, mon enfant !

— La vérité, sur ma parole, sur mon honneur. Mais veuillez tourner de ce côté, et vivement, s’il vous plaît. Je suis partie depuis si longtemps, qu’il doit croire que je me suis perdue. »

Involontairement, M. Abel poussa le poney en avant. Le poney, obéissant à une secrète sympathie, ou bien écoutant un nouveau caprice, s’élança rapidement et sans ralentir son pas, sans, se livrer à aucun acte d’excentricité avant d’avoir atteint la porte de la maison où logeait M. Swiveller : là, chose merveilleuse ! il consentit à s’arrêter au moment même où M. Abel lui en intima l’ordre.

« Voyez ! dit la marquise montrant une fenêtre faiblement éclairée ; c’est cette chambre là-haut. Venez ! »

M. Abel, qui était bien une des créatures du monde les plus simples et les plus modestes, et qui à cette simplicité joignait une timidité naturelle, hésita ; car il avait entendu parler, et il le croyait mordicus, de personnes attirées dans des lieux équivoques, en des circonstances semblables, par des guides comme la marquise, pour s’y voir volées et même assassinées.

Cependant sa sympathie pour Kit l’emporta sur toute autre considération. Ainsi, confiant Whisker aux soins d’un homme qui précisément se tenait près de là pour gagner quelque chose, il laissa sa compagne de route lui prendre la main pour le conduire jusqu’au haut d’un escalier étroit et obscur.

Sa surprise ne fut pas médiocre quand il se vit introduit dans une chambre de malade éclairée d’une lueur douteuse, où un homme dormait tranquillement dans son lit.