Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/267

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sans s’arrêter un moment ; enfin il y avait le bon, le cher, l’affectueux petit Jacob, assis tout seul au bas de l’escalier, avec ses mains posées sur ses genoux comme un vieux bonhomme, criant à faire trembler sans que personne s’occupât de lui : tous et chacun heureux au delà de leurs souhaits et faisant ensemble ou à part mille espèces de folies à la fois.

Même après qu’ils commencèrent à calmer ce fortuné délire, et qu’ils purent ressaisir la parole et le sourire, Barbe, cette douce, gentille et folle petite Barbe, disparut soudainement, et on s’aperçut qu’elle venait de tomber en pâmoison dans le parloir voisin ; que de la pâmoison elle était tombée en une attaque de nerfs, et retombée de cette attaque de nerfs en une nouvelle pâmoison ; son état était tellement grave, qu’en dépit d’une quantité considérable de vinaigre et d’eau froide, à peine finit-elle par se sentir à la fin un peu mieux qu’elle n’était d’abord. Alors la mère de Kit s’approcha demandant à son fils s’il ne voulait pas entrer voir Barbe et lui dire un mot : « Oh ! oui, » dit-il, et il entra. Et il dit d’une voix amicale :

« Barbe ! »

Et la mère de Barbe dit à sa fille : « Ce n’est que Kit. »

Et Barbe dit, les yeux fermés tout ce temps :

« Oh ! vraiment, est-ce bien lui ? »

Et la mère de Barbe dit : « Certainement, ma chère ; il n’y a plus rien à craindre à présent. »

Et comme pour donner une preuve de plus qu’il était sain et sauf, Kit lui adressa de nouveau la parole, et alors Barbe tomba dans un nouvel accès d’hilarité suivi d’un nouveau déluge de pleurs, et alors la mère de Barbe et la mère de Kit sanglotèrent dans les bras l’une de l’autre, tout en la grondant d’en faire autant, mais c’était seulement pour lui rendre le plus tôt possible l’usage de ses sens. En matrones expérimentées, habiles à reconnaître les premiers symptômes propices du retour de Barbe à la santé, elles consolèrent Kit en l’assurant qu’elle « allait bien maintenant, » et le renvoyèrent d’où il était venu.

Justement en rentrant dans la chambre voisine, qu’est-ce qu’il voit ? Des carafes pleines de vin et toutes sortes de bonnes choses aussi splendides que si Kit et ses amis étaient des gens de la plus haute volée. Le petit Jacob, avec une incroyable activité, tombait, comme on dit, à pieds joints, sur un baba de ménage ; il ne quittait pas des yeux les figues et les oranges